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[spoiler] : Cette fois c’est la bonne !

On se rappelle de la calamiteuse tentative de l’année dernière… enfin surtout mes pieds… j’avais dû abandonner à Cilaos dans un état pitoyable.

Cette année la météo s’annonce plus favorable. Ma période « black cat » semble avoir pris fin ; même si la Maxi Race a été annulée et la Lavaredo Ultra Trail a été amputée, tout cela à cause de la neige, la série noire (blanche ?) a pris fin avec une édition de l’UTMB sans une goutte de pluie.

Je suis donc plus serein de ce côté là, par contre je suis encore bien amoché ; l’UTMB a laissé des traces. On ne récupère pas d’un ultra de 170K en quelques semaines, c’est sûr. Mes genoux (poplités) sont toujours assez douloureux et une tendinite du moyen fessier m’handicape. Du coup, sur l’aire du départ, je suis assez inquiet et tendu : je m’attends à souffrir dès les premiers kilomètres, et comme je sais ce qui m’attend au niveau des difficultés, cela m’effraie.

En fait, s’il n’y avait eu l’organisation du voyage, je n’aurais probablement pas pris le départ de cette course. Mais comme tout était prévu de longue date, me voici assis sur une maigre touffe d’herbe dans le sas du départ de cette ville de St Pierre.

L’an passé, comme les 19 éditions précédentes, le départ avait été donné de St Philippe, au pied du volcan. Pour d’obscures raisons, l’organisation de la Diagonale des Fous a été évincée de cette commune, et la ville de St Pierre a donc accepté d’accueillir le départ de ce Grand Raid de la Réunion 2013. On y gagne, côté logistique : une aire de départ enfin à la hauteur de l’évènement (et non plus le parc à bestiaux des années précédentes), avec une animation plus moderne et grandiose : un grand feu d’artifice explosera dans le ciel au moment du départ. Par-contre, on ne passe plus au volcan, et c’est à mon avis un gros manque : la Diagonale n’en est plus une, et il faudra oublier la montée terrible du volcan, et les lieux qui font rêver les traileurs comme Foc-Foc. C’est un peu comme si on enlevait Bovine à l’UTMB.

Mais on s’y fera…

Une fine bruine s’abat sur nos épaules dans la nuit. Les animateurs tentent de réchauffer l’ambiance dans le parc de départ mais tout le monde sort sa veste et s’en revêt car il ne fait pas si chaud. J’entoure les genoux de mes bras, la tête rentrée dans mes épaules : je n’arrive pas à me débarrasser de cette angoisse qui m’étreint ! Ces tendinites m’occupent les articulations et l’esprit. Comment vais-je gérer ces blessures, supporter ces douleurs pendant près de 60 heures ? Je n’ai pas du tout envie d’abandonner encore une fois, je m’étais juré que l’abandon de 2012 serait l’unique abandon de ma vie. Comment vais-je faire ?

GRR2013

Bon déjà, le problème des pieds à cause de la boue était quasiment réglé d’avance : la météo s’annonce clémente, le sol est sec, et ma méthode « noc-sossetsec » a fait ses preuves sur l’UTMB avec zéro ampoules. Je me dis pour me rassurer qu’autant courir avec la plante des pieds ouverte était impossible, autant gérer la douleur d’une tendinite est plus envisageable… Je lève les yeux vers le ciel noir et me demande où je serai dans 24 heures, 48 heures…. au bord de la piscine à siroter une Dodo, ou bien à quatre pattes dans Mafate en train de me demander ce que je fais là ?

Le compte à rebours s’égrène. Allez, on y va, on verra bien…

Je pars léger, avec le strict nécessaire. Pas d’appareil photo, désolé… juste le matériel réglementaire, rien de plus.

Le départ est donné sous le feu d’artifice à 23h ; la ville de St Pierre explose de joie. Nous courons sur le front de mer ; une foule dense et surexcitée forme une allée humaine. On se croirait dans le Tour de France. Les gens hurlent, nous tapent dans les mains, ce n’est pas tout St Pierre qui est dans la rue mais toute la Réunion ! La course le long du front de mer s’étend sur trois kilomètres avant de bifurquer vers l’intérieur de l’île, et sur ces trois kilomètres jamais la densité de la foule n’a faibli, jamais les encouragements n’ont baissé d’intensité. Il y avait là plus de 30000 spectateurs. Les Réunionnais nous ont donné là un bel exemple de ce qu’ils peuvent faire. Sans me tromper je peux affirmer qu’ils ont dépassé en ampleur la ferveur rencontrée sur le départ de l’UTMB à Chamonix…

La montée vers Piton Textor s’avère plus roulante que par le volcan. Globalement du moins… On monte à travers des champs de cannes, on traverse quelques villages comme Mont Vert les Hauts, où l’on retrouve la ferveur des spectateurs avec même quelques feux d’artifices improvisés. Puis, dans la forêt, tandis qu’on s’engage sur un sentier goyavier envahi de racines, on s’arrête tout net.

Embouteillage.

Ça commence. Comme l’année dernière au volcan.

Je suis parti de l’arrière du peloton, 1500ème environ, après avoir remonté doucement une partie de celui-ci, je suis toujours derrière les 1000, alors évidemment… ça coince à la première difficulté. On est à l’arrêt complet. J’en profite pour étirer mes ischios : les genoux m’ont laissé plus ou moins tranquille jusqu’ici mais ça commence à tirailler… On repart doucement. Dix mètres. Nouvel arrêt. Comme personne ne connaît ce nouveau parcours, les commentaires vont bon train : « Qu’est ce qui se passe devant ? » , « Il doit y avoir une échelle ou un ruisseau !« , « On doit sûrement franchir une conduite ! » etc…

Mais l’attente se prolonge, on progresse par petites avancées de dix mètres… Au bout de 20 minutes à ce rythme l’impatience commence à se faire sentir. Les Réunionnais s’interpellent à travers la forêt, parfois en créole, parfois en français : « Allez on avance là ! Vous comptez finir dimanche ?« 

J’aurai parcouru 500m en 45 minutes. Je ne peux m’empêcher de penser que si j’étais parti mieux placé dans le peloton, j’aurais déjà gagné 45 minutes. Tant pis. Je poursuis ; mes douleurs s’intensifient. Si je marche, le moyen fessier me fait souffrir, cette tendinite est la « tendinite du marcheur », à cause du déhanchement. Alors je cours pour la réduire, mais là ce sont les genoux qui trinquent. J’ai l’impression de jouer aux échecs avec mes blessures, cherchant une combinaison gagnante, une tactique qui pourrait les circonscrire. Mais ce sont elles qui m’acculent pour le moment. Je ne peux courir, je ne peux marcher. Je suis encerclé, échec au roi.

Le jour se lève entre Piton Sec et Piton Textor. Quand le ciel s’éclaire, en ultra, c’est toujours une renaissance, un renouveau.  Quelque soit le kilométrage parcouru, on a l’impression d’avoir franchi une étape. On sort de la nuit, on entre dans un autre chapitre. On retire sa frontale, on se frotte le front endolori… une nouvelle journée s’annonce.

Piton Textor

Piton Textor. 40ème kilomètre. 7h du matin. C’est la fin de la montée, on est à 2200m d’altitude, un des points hauts de la course. L’année dernière, on n’y voyait goutte à cet endroit. Je me souviens qu’après, trente kilomètres de boue avaient suivi, dans un supplice interminable. Mais là, tandis que le bénévole pointe mon dossard, il m’informe : « Prochain ravito, Mare à Boue, 10km. C’est les tentes blanches que vous voyez, là-bas. » Je lève la tête : on les voit d’ici ! Une longue descente vers le plateau de Mare à Boue, qui porte bien son nom, puis la remontée derrière vers le Piton des Neiges. Incroyable ! Les images de l’année dernière se surexposent.

Mare à Boue

La tranchée boueuse est devenue un sentier agréable.

Mare à Boue

Alors je commence à dérouler ; je m’aperçois qu’en courant franchement les douleurs s’estompent un peu, probablement endormies par la libération d’endorphines. Je double, je double, et j’arrive à Mare à Boue en 802ème position ayant gagné près de 60 places dans la descente.

Je rejoins ma Laeti qui m’attendait là depuis le lever du soleil dans un petit nid dans les herbes hautes. C’est là, à Mare à Boue, que mes ennuis avaient pointé leur nez l’année précédente ; je ne peux m’empêcher d’y penser tandis que je grignote une cuisse de poulet grillée au feu de bois… et oui les ravitaillements du Grand Raid ont parfois des airs de pique nique !  Et c’est tant mieux !

Je m’étire les ischios, fais jouer mes articulations de hanche en tous sens et repars prudemment, sachant ce qui m’attend. La Plaine des Cafres et la montée vers Coteau Kervéguen.

À chaque pas des images de 2012 surgissent dans ma mémoire. Le calvaire…

GRR 2012

Cette année, c’est une jolie promenade…

Coteau Kervéguen

Je redescends rapidement sur Cilaos. Là où un an auparavant j’étais descendu sur les talons à 1km/h, une grimace de douleur peinte sur le visage, la plante des pieds ouverte, les chaussettes se mélangeant à la chair et à la boue, je descends comme une pierre, sautillant comme un cabri.

Cilaos

Au ravitaillement de Cilaos, j’arrive 701ème. Je tente de ralentir l’allure, car j’ai l’impression de me laisser emporter par mon propre enthousiasme.

Alors j’obéis aux propositions de mon coach : je me change de pied en cap, je prends même le temps de me prendre une petite douche (rapide, l’eau est glacée). Et même une petite sieste de 20 minutes !

Cilaos

On a toujours dit que le Grand Raid commençait à Cilaos. C’est pas faux, alors remis à neuf, tout propre, tout sec, l’estomac rempli, je quitte le ravitaillement en passant fièrement devant le stand où j’avais jeté mon dossard l’année dernière, et me dirige vers le Taïbit et, au-delà, vers l’enfer de Mafate.

La montée vers le Taïbit se fait tranquillement, avec un peu plus de mal toutefois qu’en août dernier.

Taïbit

Le but est d’arriver à Marla avant la nuit, alors je ne traîne pas. Je double toujours, continuellement, en montée et en descente. Je fais toujours des efforts pour me retenir d’allonger l’allure plus encore car je me sens très bien. Et il y a du nouveau : je ne sens quasiment plus mes douleurs : ni aux genoux, ni à la hanche !

Marla : j’ajuste ma frontale pour la deuxième nuit à venir, avale une soupe, et continue vers la Plaine des Tamarins, si belle de jour (on ne verra rien car la nuit s’est proprement installée) et le Col des Boeufs. Le Col des Boeufs est une inconnue pour moi car j’avais reconnu cette portion deux mois auparavant via le Col de Fourche. Peut-être en raison du coureur du MCT décédé l’année dernière au Col de Fourche on évitera l’endroit…

Au fur et à mesure de l’ascension vers le Col des Boeufs, on s’enfonce dans le brouillard. Un brouillard dense, épais, formés de gouttelettes qui non seulement vous trempent mais s’agglutinent devant le halo de la lampe : je ne vois rien, je suis obligé de baisser l’intensité du rayon pour essayer de distinguer où je mets les pieds…

Je pointe en 542ème position.

La suite, c’est Sentier Scout. Pour l’avoir fait de jour, je sais qu’il est difficile et interminable. On descend des montagnes pour traverser des gués de rivière, et on remonte sur la montagne d’en face ; on en redescend pour franchir un autre gué, on remonte, ainsi de suite jusqu’à Ilet à Bourse. J’avale une demi soupe, boosté par mon classement puisque j’ai encore gagné 40 places, et je repars dans la nuit.

Ravito de Grand Place, à peine trois kilomètres plus loin (mais pas des moindres avec encore un gué à franchir), et encore 30 places de gagnées. Mes cuisses sont parfaites ; je ne suis pas fatigué, je n’éprouve plus aucune douleur. Je me freine tout de même car il reste encore 70km et le Maïdo à franchir. Pour cela, il nous faut descendre à Roche Ancrée, à une altitude d’à peine 500m, pour remonter sur Roche Plate puis le Maïdo qui culmine à plus de 2000m… C’est une des plus grosses ascensions du Grand Raid alors je prévois de monter prudemment jusqu’à Roche Plate et de m’y restaurer. Je double souvent des Réunionnais, peu habitués aux températures basses, qui marchent péniblement en serrant autour de leurs épaules la couverture de survie qu’ils ont fini par sortir de leur sac…

Roche Plate : un petit village de cabanes que je connais bien maintenant pour l’avoir traversé de nombreuses fois lors de mes pérégrinations dans Mafate. Il y a même une école, c’est là que se tient le ravitaillement. J’y arrive à 2h du matin, en 413ème position. Là, au lieu d’entrer dans une cour d’école, je mets les pieds dans un camp de réfugiés. Il y aurait eu des tentes du HCR que ça n’aurait pas plus aggravé l’ambiance d’hôpital de campagne qui régnait là. Des corps par dizaines allongés dans la cour, enveloppés tant bien que mal dans des couvertures de survie, desquelles ne sortent que des pieds boueux secoués de spasmes sporadiques. Les coureurs blottis là ont été rattrapés par le manque de sommeil, la fatigue ou bien le froid. Des bénévoles passent de l’un à l’autre pour les assister, les surveiller, parfois les réveiller quand ils grelottent trop fort. Je m’assieds sur un tabouret, avale une soupe chaude en regardant le spectacle, refais mes niveaux d’eau et insère un jeu de piles neuves dans ma frontale. Le temps de faire ces quelques démarches, je me refroidis très rapidement et je commence à sentir un froid pénétrant se glisser sournoisement autour de moi. Je frissonne. Je sens presque les doigts glacés et humides de la nuit se glisser sous mon t-shirt. J’enfile mon coupe vent  et ajuste mon sac sur mon dos en jetant un dernier coup d’oeil à ces pauvres hères tremblotants, et m’empresse de quitter cet endroit glacé avant que le froid ne m’attrape à mon tour.

J’entame l’ascension du Maïdo. Je presse le pas pour me réchauffer, et cela réussit assez bien : je remonte assez vite mes manches et ouvre la fermeture de mon coupe-vent : j’ai déjà chaud ! Je continue sur mon rythme : mes cuisses tiennent, je n’en reviens toujours pas. Tout au long de cette ascension je me serai extasié sur ces cuisses qui montent avec une puissance et une régularité que je leur ai rarement vues ! L’UTMB aura été un entraînement hors pair ? Jamais une crampe, une contracture, ne serait-ce qu’une tension musculaire n’aura pointé son nez.

Le soleil se lève au sommet du Maïdo. 361ème position. J’aurai bombardé toute la nuit, gagnant 300 places ! Ma récompense : voir le jour avant ceux qui sont encore au fond de Mafate.

Mafate

Laeti n’est pas là, je suis en avance sur mes prédictions, je suis monté beaucoup plus vite que prévu (et même plus vite qu’à l’entraînement !) Elle attend l’hypothétique navette de l’organisation car la route du Maïdo est fermée. Nous sommes déçus de ne pas nous voir, mais tant pis, on se verra à Sans Souci !

S’en suivent 15km de descente. À tombeau ouvert. Je double 60 coureurs. Les jambes répondent c’est un vrai plaisir. Je me dis que je vais finir par payer cette vitesse, à un moment ou un autre… Sur le profil de la course, les difficultés sont derrière moi, j’ai l’impression d’avoir quasiment terminé, c’est d’autant plus difficile de se freiner. Je sais qu’il y a anguille sous roche, et que les 35km restant ne sont pas si faciles… Je prends la décision de changer de chaussures et de quitter cette paire dans laquelle j’étais si bien mais qui commençait à fatiguer… erreur tactique.

Je repars de Sans Souci rapidement, j’ai hâte d’en finir. Je commence à croire sérieusement que je la tiens cette Diagonale !

Rivière des Galets

La portion Sans Souci – Possession s’avérera un calvaire pour moi. J’ai envie de courir, je ne peux pas : la montée vers Chemin Ratineau est très prononcée, et les passages qui s’en suivent, descentes et portions plates comprises, se feront dans des amas de pierres, des forêts très denses dans lesquelles il est difficile de dépasser les 2km/h. Pénible. Très pénible. Les longues portions caillouteuses m’entament les pieds, mes nouvelles chaussures commencent à me causer des ampoules.  J’arrive à Possession fatigué et énervé ; j’ai l’impression d’être au Raid Gauloise. Il est 11h du matin, je souffre de la chaleur. Je préfère le froid. Je suis 253ème, alors ça me remonte un peu. Laeti-coach me remotive aussi, je rechange de chaussures et retrouve la paire que j’avais laissé à Sans Souci, mais le mal est fait : des échauffements sont apparus et s’aggravent dès lors que le terrain devient accidenté.

Je repars, il me reste 20 km, une paille ! Et rien que 7 km avant Grande Chaloupe. Ça va être vite avalé ! Tu parles…

On emprunte le Chemin des Anglais. Putains d’Anglais ! C’est un chemin en pierres de basalte, créé en réalité par des Français pour faciliter le passage des charrettes à boeufs au 18ème siècle. Ce fut d’ailleurs la première voie en bâti à la Réunion. On l’appelle Chemin des Anglais car ceux-ci l’ont royalement emprunté en 1810 pour aller envahir St Denis

Ce sont donc sur leurs traces que l’on s’élance. Sauf que le pavage a été très abîmé par les années et la pluie, que les joints ont disparu depuis belle lurette et seules ne subsistent que les pierres désolidarisées, instables, inégales. Une vraie galère que de courir là-dessus…

Chemin des Anglais

Grande Chaloupe : outre Laeti, une surprise de taille m’attend aussi ! Aude et Nico, du Cévennes Trail Club, sont là ! Ils ont couru la veille le Trail de Mascareignes et sont venus m’encourager à Grande Chaloupe. Trop sympa merci les amis !

Grande Chaloupe

Je m’arrête quelques minutes au ravitaillement pour discuter avec eux et boire, non pas une bière, mais une grande bouteille d’eau gazeuse.

Image 2

Il me reste une seule étape, Colorado, et je serai finisher de la Diagonale des Fous ! Alors il me tarde… je repars, encore sur ce fichu Chemin des Anglais, mais la chaleur et la fatigue s’installent. Mes jambes commencent à avoir du mal ; normal, après ce que je leur ai demandé ! La montée est assez longue pour atteindre l’observatoire de Colorado, presque 1000m de dénivelé, l’équivalent d’un trail « normal », tout cela après 150 bornes…

Colorado

J’arrive enfin au ravitaillement, il ne reste que de la descente. Je me dis que je vais dévaler cette pente jusqu’à l’arrivée comme un fou… oui enfin… c’était sans compter sur les cailloux.

La descente finale est au moins aussi technique que le reste. Il n’y a que des rochers, des caillasses à franchir, il faut parfois s’aider des mains. Ce n’est pas une descente c’est une désescalade. Je commence à avoir mal non pas aux pieds mais dans les pieds, à force de sauter. Les os sont douloureux, j’ai l’impression qu’on a joué aux osselets avec mes tarses et métatarses, du coup je commence à avoir du mal à poser les pieds par terre. Des coureurs me doublent, et pourtant je ne traîne pas ! Mais les Réunionnais sont rompus aux sentiers de leur île : ils courent là où je marche ; ils sautent comme des cabris, ils volent, leurs pieds caressent la pierre là où les miens dérapent, ils prennent appui sur les arêtes acérées que moi j’évite, ils sautent de roche en roche quand moi je descends sur les fesses entre deux blocs. Leurs jambes assurent une foulée précise et extrêmement rapide tandis les miennes me jettent au bas comme un paquet trop lourd. Et moi qui me croyais bon en descente…

Mais j’arrive enfin au terme de cette descente interminable. J’arrive au Stade de la Redoute. La Redoute. J’en ai tellement rêvé. J’ai tellement entendu ce mot sur les bords des sentiers du Grand Raid, le public encourageant les coureurs de « Tous à la Redoute!« 

J’y suis enfin. J’entre dans le stade.

Autant l’arrivée à Chamonix est démentielle, autant à la Redoute c’est un peu plus l’indifférence. Je me suis même demandé si je tournais dans le bon sens autour du stade.

Mais l’arche d’arrivée est là. Je vois ma Laeti. Libération. C’est terminé.

Redoute

Ça y est je l’ai bouclé ce Grand Raid. Je l’ai, mon doublé UTMB+Diagonale…

43h18, 269ème/1365.

Bon…

Ben voilà.

Et maintenant ?…

…on fait quoi ?

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Never Hesitate - Never Regret

Comments:

  • Tat

    29 octobre 2013

    MAintenant on se repose un peu !!! Tes 4 enfants ,tes 3 frères ,,tes parents sont épuisés de te suivre ….sur internet et sans parler de ta chère et adorable Laetitia qui t’encourageait sur place ! La rage d’avoir dû abandonner en 2012 ….pour une histoire de « sosettes » t’a donné des ailes ! Et puis nous étions tous avec toi ! Bravo Phil on est fiers de toi !

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  • Lafan

    29 octobre 2013

    Je termine ce recit en applaudissant…
    Je t’adresse toutes mes félicitations pour avoir si bien géré cette mythique épreuve…et l’avoir terminée en beauté et en souriant..
    ….et je remercie le ciel de t’avoir miraculeusement donné la force et la foi pour l’affronter…
    …. Suis si heureuse du succès de ce si redouté doublé!
    Bravo jphi !…….what else?!………

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  • bubu

    29 octobre 2013

    bah maintenant tu te reposes et tu retournes bosser…

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  • Roxane

    1 novembre 2013

    Bravo J-Phi tu es un guerrier je suis admirative de ton courage et de ta détermination !!! et je sens que tu as déjà prévu tes objectifs pour l’année 2014 ….-)

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  • Zinzin Reporter

    11 novembre 2013

    Bravo Jean-Philippe, réussir à moins de 2 mois d’intervalle, l’UTMB et la Diagonale, c’est fort. En plus, tu assures comme une bête avec une grosse remontée au classement. Respect.
    J’aime ta façon de raconter la course. Je m’y retrouve totalement… à part les bouchons que j’ai eu la chance d’éviter. Ah oui un détail : après avoir lu ton récit de l’an dernier, j’ai embarqué pour rien dans mon sac une paire de chaussettes sèches… Et je suis content de ne pas les avoir utilisées !!!
    Pour la suite, je suis certain que tu as plein d’idées… Je peux t’en filer si tu veux

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    • Jphi

      12 novembre 2013

      Merci Zinzin ! Mais tu as fait encore mieux, tu es arrivé bien avant moi ! Désolé pour les chaussettes sèches : mais mieux vaut prévenir que guérir ! Heureusement qu’on n’en a pas eu besoin…
      Et pour la suite, je ne me suis pas encore décidé, mais je suis toujours preneur d’idées ! À bientôt dans nos massifs du sud…

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  • 23 décembre 2013

    ADMIRATIF, que dire de plus (Ok je suis à la bourre pour le commentaire), mais vaut mieux tard que jamais. Vraiment admiratif.
    A bientôt j’espère bisous à toute la petite famille, là je file en chine

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  • jphi

    23 décembre 2013

    Merci à toi ! Tu passes Noël en Chine ? T’es fou !
    Si tu vas à Pékin fais moi signe.

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