La Maxi-Race est un trail de 85km qui fait le tour du lac d’Annecy par les sommets environnants. Elle remplace l’Annecime, course qui a disparu en 2010 et qui engageait entre 100 et 300 coureurs. La Maxi-Race, donc, c’est pareil. Sauf que, à la fois victime du succès grandissant du trail et misant sur un côté commercial, ce ne sont plus 300 coureurs qui se retrouvent sur les bords du lac mais 4500. Autre organisation, autres problèmes. Car envoyer plus de 4000 coureurs dont forcément une partie inexpérimentée dans les montagnes, ça crée des soucis, surtout en cas de mauvaise météo…

Et bien évidemment le mauvais temps est installé sur Annecy depuis des semaines, c’est l’hiver qui tarde à migrer…

Dans les jours qui précèdent la course, l’équipe organisatrice de la Maxi-Race redouble d’efforts pour trouver un itinéraire bis de délestage sur des versants moins exposés, puis ter… La veille de la course arrive, ainsi que 4500 traileurs impatients d’en découdre malgré le temps maussade ; mais bonne nouvelle : la météo s’améliore pour le lendemain !

Puis c’est la douche froide, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre : la course est annulée par décision préfectorale. Là c’est la stupeur : plus de 4000 coureurs sont déjà arrivés à Annecy, soit, familles comprises, plus de 7000 personnes ! Frais de transport, d’hôtel, de restaurant…. Grosses interrogations sur la motivation de cette annulation : les secours en montagne auraient estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour accéder en tous points de la course, ce qui aurait fait pencher la balance du Préfet qui a préféré tout annuler (comment l’en blâmer, son rôle étant d’assurer le risque minimal pour la population, au vu des éléments qui lui ont été transmis il ne pouvait professionnellement  pas prendre la décision inverse). Bref, on ne va pas s’attarder à trouver un coupable si ce n’est la météo, on ne va pas épiloguer sur la mode grandissante du parapluie ouvert par les pouvoirs publics, ni sur le trail qui il y a quelques années n’était qu’une course de montagnards et qui devient une machine à sous, ni sur les soupçons d’influence économique des professionnels du tourisme qui auraient préféré faire venir 7000 personnes en ville plutôt qu’annuler 24 ou 48h plus tôt etc… la course est annulée, pas les coureurs. Alors zou, allons voir si toutes ces allégations sur la difficulté du terrain sont vraies : avec les copains du Cévennes Trail Club, on organise vite fait une sortie off sur la deuxième moitié du parcours, la plus engagée.

Départ au petit matin du « bout du lac », à Doussard, KM45 de la course, et on entame la montée dans les Bois de Verthier dans un brouillard léger.

Quelques coureurs nous ont déjà précédé, transformant le sentier en chemin boueux (déjà). Ce qui laisse imaginer ce qu’il serait devenu avec 4000 coureurs. Arrivés au Col de la Forclaz, on ne profite pas de la vue…

Ou alors si, vite fait, lors d’une trouée dans les nuages.

Puis on arrive dans la neige, à environ 1200m d’altitude. Je précise que nous sommes le 26 mai…

On passe sous la Pointe de la Rochette, qui est un points « engagés » du parcours (tout est relatif). Un cable permet de se retenir de tomber, mais de toutes façons la chute serait sans gravité dans cette neige…

On poursuit ainsi, toujours dans la neige, jusqu’au Col de l’Aulp et sa croix, et une vue qui se cherche toujours…

Et on reprend notre progression hivernale…

On arrive au Col des Nantets, on pourrait être en plein mois de février.

Puis c’est le point clé de notre off, l’interrogation qui nous avait fait hésiter la veille sur le fait ne venir sur ce tronçon ou pas : c’est en partie à cause de ce passage délicat que les secours ont décidé ne pas pouvoir intervenir sur cette course et ont émis un avis négatif. Le Pas de l’Aulp, sous le Roc Lancrenaz, à 1600m d’altitude.

Alors évidemment, comme un nuage passe à ce moment là et qu’on se retrouve dans le brouillard, cela donne l’impression d’un passage plutôt engagé.

Ce qu’il est, bien entendu, mais je n’ai pas vraiment trouvé de caractère dangereux. Personnellement je préfère chuter dans la neige que dans les cailloux…

Nous voilà dans un beau vallon bien enneigé (environ 40cm) à courir dans une belle poudreuse légère jusqu’au Col des Frêtes.

La météo ne s’arrange pas vraiment, il est environ 11h du matin.

Mais au moins, on n’a pas froid. Nous redescendons vers Menthon, emplacement théorique du ravitaillement (qui a été annulé en même temps que la course bien entendu), au KM72. Mes compagnons de cordée décideront de s’arrêter là, alors je continue seul, bien décidé à terminer ce parcours et profiter des vues qu’offre le mont Veyrier.

Comme nous sommes redescendus à 600m d’altitude, il me faut remonter sur les pentes du mont Baret ; je retrouve un sentier boueux et bien glissant. Heureusement j’ai mes bâtons, car sans eux je me serais vite retrouvé couvert de fange…

Mais finalement ça passe très facilement, après le contournement du mont Baret on parvient au col des Contrebandiers puis on attaque la dernière côte vers le mont Baron. Je ne suis pas seul, loin de là, nombreux sont les déçus de la course qui la font quand même, en entier ou en partie, à l’endroit ou à l’envers, et qui veulent se rendre compte par eux-mêmes des conditions, et comprendre pourquoi cette course a été annulée…

La vue se dégage. Enfin, le lac d’Annecy se dévoile.

Le tracé a été évidemment débalisé, parfois j’hésite sur le chemin à prendre d’autant que beaucoup ne figurent pas sur ma carte. Il y a beaucoup de traces de coureurs m’ayant précédé, mais je ne veux pas les suivre car le tracé officiel de la course quitte la crête du mont Veyrier pour redescendre sur son flanc nord et éviter justement ce « sentier des crêtes », jugé trop technique. Et c’est celui-là que je veux emprunter. Alors je choisis mes chemins un peu au pif.

Au bout d’un kilomètre de descente, m’étonnant de me retrouver sur le flanc au lieu de la crête, je fais un point GPS. Arf ! J’ai dû rater un embranchement alors même que j’étais sur mes gardes… Je suis précisément sur le parcours de la course, pas sur le sentier des crêtes ! Hors de question de poursuivre cette descente sur un chemin boueux et sans âme, empli de coureurs qui montent ou qui descendent. Hors de question de me taper la remontée sur ce même sentier pour retrouver l’embranchement manqué. Alors je décide d’azimuther directement dans la pente, à travers bois, hors sentier (un vrai off, là, off-course et off-trail )

Et je retrouve mon sentier des crêtes : déserté des coureurs, donc calme, propre, et offrant des vues privilégiées sur le mont Veyrier et le lac d’Annecy. Ma récompense !

J’entame la redescente sur Annecy, au début sur un sentier relativement propre,

mais avec des interrogations sur la suite car celui-ci rejoint plus bas le parcours de la course, avec une descente réputée très glissante, point d’achoppement des secours en montagne qui avaient argué de la dangerosité de celle-ci.

Là, je ne sais pas vraiment s’il s’agit de bruits de couloirs ou si c’était réellement un argument des secours mais si c’est vrai on peut se poser la question de leur motivation car même s’il y avait des passages très boueux, j’y ai vu des mamies s’y promener pour profiter du retour du soleil et à qui ces flaques de boues ne faisaient pas peur. Alors je préfère penser que c’étaient des bruits de couloir. Sinon, c’est la mort annoncée du trail tel qu’on l’a connu.

Et me voici à Annecy, me faisant applaudir par des spectateurs installés an bas du chemin qui soit n’étaient pas au courant de l’annulation, soit, c’est ce que je pense, eux aussi faisaient la « course en off ». Merci à eux !

En conclusion, j’ai trouvé que l’annulation de cette épreuve n’était pas vraiment justifiée d’un pur point de vue technique ou de dangerosité. Il n’y avait pas vraiment d’exposition réelle. Alors évidemment, j’ai fait ce parcours sans avoir les 45 premiers kilomètres dans les pattes. Par-contre, je comprends qu’envoyer 4500 coureurs là-haut était risqué car sur le nombre il y en a toujours un ou deux pour se prendre une gamelle et se faire mal, et les secours auraient eu un peu plus de mal pour le redescendre dans la neige et la boue. Et c’est bien ça le problème à mon avis. Il y a quelques années cette course n’aurait pas été annulée, car elle n’aurait pas rassemblé 4500 coureurs, mais 400. Le Trail est victime de son succès et de sa commercialisation, et de la règlementation grandissante qui devient un casse-tête pour les organisateurs.

Ce sera probablement la dernière année que je participe à ces évènements populaires.

Je le redis : loin des foules, vive le off !

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