Un paysage parmi les plus beaux de Chine. Voilà ce qu’est Huangshan. Ce que ça aurait dû être. La météo en aura décidé autrement, comme souvent ces derniers mois… Quand j’arrive en fin de journée à Tongku, petite bourgade du sud du pays, il fait encore un franc soleil, mais je sais pertinemment que la nuit viendra avec son cortège de nuages et que la journée du lendemain ce sera orages à gogo…
黃 山
La météo chinoise ne s’est pas trompée : au petit matin, dès que le ciel s’éclaircit, il reste blanc et bas. Tant pis, je ferai au mieux, me dis-je en avalant ma soupe à l’oeuf locale en guise de petit dej. L’ambiance reste tout de même bien chinoise, et les météos violentes ne sont pas pour me déplaire…
Je prends le premier bus du matin, qui m’emmène aux portes de Huangshan, littéralement la Montagne Jaune. 黃 山. Et qui porte bien son nom.
Effectivement la montagne est jaune. Et pourtant, son nom ne vient pas de sa couleur : elle s’appelait autrefois Yishan, mont Yi, et a été rebaptisée Huangshan, Montagne Jaune, en l’an 747 sous la dynastie Qin en l’honneur de Huang Di, l’Empereur Jaune. Il n’est pas non plus écrit « Montagne Jaune » sur les flancs de ce pic appelé Pic Li ma (Pic du Cheval Debout) mais les dix caractères en chinois ancien (qui mesurent près de 300 mètres de hauteur !) signifient « Laissez votre cheval à l’entrée de la Mer de l’Est et appréciez la paix et la tranquillité au sommet des montagnes. »
Effectivement nous entrons dans la Mer de l’Est. Une mer de montagnes ?
Non, plutôt une mer de nuages. Et il y en a cinq : la Mer de l’Est, la Mer du Nord, la Mer de l’Ouest, la Mer du Sud et la Mer du Paradis. Car souvent, du sommet des montagnes on admire la mer de nuages sous nos pieds. Pour le moment la mer est plutôt agitée et recouvre tout ce qui m’entoure. On distingue, plus haut, le Pic du Lotus déjà gagné par la brume, et peut-être un vieux sanctuaire blotti à ses pieds ?
Peut-être, oui… Le Royaume de Shambala, enfin ? Que j’ai cru si souvent découvrir ? Une vieille lamaserie tibétaine oubliée en Chine du Sud ?
Je poursuis mon ascension sur les marches de pierre ancestrales, me nourrissant du paysage de ces pentes qui me rappellent la Corée.
Quelques pauses sont nécessaires, pendant lesquelles on peut se régaler un peu de lecture.
Ne cherchez pas, c’est du Chinois. (ancien je veux dire). Les jeunes chinois d’aujourd’hui ne savent plus le lire ; j’ai demandé. Il s’agit probablement d’un poème du célèbre Li Bai, qui a puisé son inspiration au VIIIè siècle de notre ère en ces monts brumeux.
[floatquote]Li Bai[/floatquote]Trente six pics étranges, Immortels avec chignons noirs. Le soleil du matin frappe la cime des arbres, Ici, dans ce monde de la montagne du ciel. Chinois, levez vos têtes! Pendant mille ans, les oies vont et viennent. Au loin, j’aperçois un ramasseur de bois, Glaner des bâtons au fond des crevasses.
Je lève la tête à mon tour et admire l’arbre. Car la photo qui suit n’est pas ce dont elle a l’air. Il ne s’agit pas d’une lande désolée sur laquelle pousse un buisson chétif et solitaire. Non, c’est un mur, vertical, et le pin qui s’y accroche désespérément défie la gravité en poussant à l’horizontale, et je me tiens juste dessous.
Je poursuis ma montée, et bientôt la pente cesse de vouloir atteindre des angles impossibles ; le sentier rentre soudain dans une grotte. Un escalier permet d’en ressortir de l’autre côté,
face à Heaven Capital Peak, dont l’accès est fermé pour cause de travaux sur les voies d’ascension.
Les voies sont interdites depuis 2004. Je suis un peu désappointé en découvrant qu’elles le sont toujours aujourd’hui, la balade avait l’air sympathique, à voir la pente empruntée par l’escalier… On n’a aucune peine à croire que là-haut, dans les brumes, siège la capitale des Cieux, probablement jumelée avec la Minas Morgûl du Royaume de Mordor…
Je dois avouer que l’idée m’a fugacement traversé l’esprit. Sauter la barrière et me hisser là-haut. Pas que l’esprit d’ailleurs, car mes jambes avaient déjà commencé à avancer toutes seules vers le portail hérissé de fils barbelés quand mon regard a croisé celui du garde-chiourme chinois qui campait près du passage en question. Ce n’est pas tant l’idée d’aller faire un tour dans une geôle chinoise qui m’horripile, mais celle de prendre 24 heures de retard sur un emploi du temps plutôt serré, car je suis censé prendre le bus de 15h30 vers Shanghai l’après-midi même… (je dois boucler en moins de 6h un parcours vendu en deux jours, avec le témoignage d’un traileur qui l’a bouclé en 9h30) Bref, le garde-chiourme a dû lire tout cela dans mes yeux en même temps que moi car il m’adresse un vague sourire en coin, comme pour me défier, auquel je réponds en faisant volte-face.
Pas grave, j’emprunte un petit balcon pour promeneurs amoureux,
qui débouche sur un escalier réservé aux initiés. Plus j’avance, plus j’ai l’impression d’entrer en territoire elfique, cherchant le long des murs trace d’une ancienne rune qui m’aiderait à ouvrir une porte dérobée dans la montagne…
De toutes façons je ne risque pas de me perdre, le sentier est bien tracé. Je suis sur les flancs du Pic du Lotus, point haut de Huangshan, 1864m.
Je pénètre doucement dans un autre monde, celui des Dieux.
En bas, ce qui ressemble à un ancien monastère, mais qui n’en est pas un. Je sais, pour y être passé plus tard, ce que c’est. Mais pour l’heure, c’est un monastère, avec des moines bouddhistes restés mille ans en arrière. À moins que ce ne soit ma Shambala.
L’escalier est gravé directement dans le granit. Sans lui, l’ascension serait impossible.
Parfois, on évolue dans le granit. Certaines portions de ces escaliers datent de 1500 ans !
Certains ponts aussi. La Chine est une vieille civilisation, ses vestiges sont souvent emprunts d’une force incroyable ; on dira ce qu’on veut mais je ne peux m’empêcher de penser que ces constructions humaines qui sont là depuis déjà longtemps seront encore là lorsque les gratte-ciels de Shanghai seront tombés.
Je continue à m’enfoncer dans un songe. Difficile de faire la part des choses entre rêve et réalité. Probablement un peu des deux ; nous ne sommes plus en Chine, plus dans le monde des hommes, plus de ce temps, plus ici ni ailleurs. Nous sommes autre part.
Au Royaume des Immortels.
James Cameron ne s’y est pas trompé, quoi de mieux pour décrire un autre monde, celui d’Avatar, que de s’inspirer de ces paysages qui ne sont pas terrestres ?
J’évolue prudemment sur les dalles de granit rendues glissantes par la pluie lorsque soudain une explosion me fait sursauter : un éclair tombe quelques dizaines de mètres derrière moi dans un fracas de lumière ; le tonnerre simultané m’explose les tympans.
L’orage devient violent ; il me faut quitter les hauteurs et redescendre le plus vite possible ! Le Royaume des Immortels est sous protection.
Heureusement les marches taillées dans la roche depuis 1500 ans sont faciles et je peux les sauter quatre à quatre…
…même si elles sont parfois traversées par des ruisseaux !
Les montagnes de granit dégoulinent sous la violence de l’orage. Le ciel se vide sur la terre.
Je redescends dans la forêt, m’empresse de la traverser,
avant d’arriver en vue d’une autre forêt, aux arbres de pierre cette fois.
Et là, en observant ces silhouettes minérales, je sais que je suis presque arrivé au but. Car oui, j’ai un but.
Un objectif suprême. Un simple pont, lancé au-dessus du vide.
Un vulgaire pont en plein pays elfique. Le Pont des Immortels.
Un pont jeté entre deux parois de granit qui n’ont jamais dû voir passer que des ptérodactyles et des corbeaux. Les elfes sont arrivés il y a des milliers d’années, ont percé les parois, et sont passés le plus simplement du monde au-dessus du précipice.
Enfin je dis les elfes il y a des milliers d’années, mais au risque de réduire à néant les rêveries des fans de Tolkien, en réalité ce sont des Chinois, en l’an de grâce 1987. Eh oui !
En passant ils ont érigé cette fantasmagorique construction sur le dos de pierre battu par la pluie violente.
Je reste là un bon moment à contempler cet autre monde.
Puis je repars dans mes montagnes, le long d’un sentier envahi par les brumes, chassé par le tonnerre et la pluie cinglante. Le paysage est toujours aussi énigmatique ; l’endroit est connu pour ses vues à couper le souffle, je me contente du bout de mon nez.
C’est là que j’ai pris conscience d’une chose : les ombres chinoises ont été élaborées en Chine. La preuve.
Je redescends dans la vallée. Ce pourrait être la vallée des Trois Gorges tellement elle est encaissée.
Pour cela, je dois franchir quelques autres ponts, il y en a beaucoup ; il faut dire que l’on passe constamment d’un précipice à un autre.
Puis, tandis que je descends les marches en trottinant, je croise des porteurs qui acheminent des vivres aux échoppes et hôtels qui fleurissent là-haut dans les montagnes. Ils n’empruntent pas le téléphérique (et oui il y en a un ! Et même plusieurs : ce n’était pas un monastère tout à l’heure mais la gare d’arrivée du téléphérique !) mais gravissent les mille mètres de dénivelé par l’escalier, avec plus de 50kg sur le dos…
De vrais traileurs. Quand ceux-ci débarqueront sur nos circuits de trail, ils vont faire mal ! Un dernier petit arrêt dans un sanctuaire baigné de brouillard,
puis je ressors de la brume par en-dessous, laissant la Montagne Jaune à sa grisaille.
Je parviens au fond de la vallée où, après quelques transferts en bus locaux, j’attrape le dernier bus en partance pour Shanghai, que j’atteindrai après 7 heures de route. Je n’aurai rien vu de Huangshan. Ou peut-être si, justement, j’aurai vu son essence même. Car si l’endroit est connu pour ses vues à couper le souffle, je me serai cantonné au premier plan, ce que les promeneurs de beau temps ne parviennent peut-être pas à voir, inéluctablement attirés par l’arrière-plan. En tous cas, je reviendrai dès que possible, il y a encore tant d’autres sentiers à parcourir ! Et de toute urgence car en partant, les chantiers en cours que j’ai croisé laissent augurer des voies rapides, des parkings géants et des téléphériques par poignées pour permettre à toute la Chine et au Monde entier de vomir leurs milliards de touristes sur les marches millénaires.
Je marche dans les rues de Shanghai, sac au dos, encore fourbu de mon voyage dans ce bus des années 70. Je ne vois pas la foule. Juste des vallées désertes et sauvages.
Une courte vidéo (le mauvais temps ne m’a pas permis beaucoup de prises de vues) :
et la carte du parcours.
Les photos HD sont là.
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