En arrivant à Tokyo, je nourris comme à chaque fois le rêve d’aller arpenter les pentes du mont Fuji. On ne se lasse pas du Fujisan. Mais mes aspirations furent douchées par la vision que m’offrit le hublot…
L’atmosphère est instable ; il y a des orages , ce qui est assez dangereux au sommet du Fuji. De plus, je remarque que le sommet, en cette fin juin, est encore encombré de neige. En chaussures de running, ce n’est pas très prudent.
La météo pour le lendemain confirmera la situation : orages et chutes de neige au sommet ! Alors je change mes plans d’action : j’irai moins loin et moins haut. Je jette mon dévolu sur Mitake !
J’emprunte un train direction le pied de cette montagne sacrée, dédaigne le train à crémaillère qui emmène les Tokyoïtes en 6 petites minutes vers le sommet culminant à près de 1000m et emprunte pour commencer une petite route qui serpente entre les cèdres.
Laquelle se transforme rapidement en un petit sentier.
Les cèdres sont fichés tout droit en terre comme une volée de flèches tombées du ciel.
J’arrive dans un petit village près du sommet ; des maisons au toit en chaume : ça ne fait pas très japonais !
Non loin de là, le sanctuaire sacré Musashi Mitake. Des pierres sont dressées çà et là.
Le sanctuaire daterait de 90 avant JC, ce qui en fait le sanctuaire shinto le plus ancien du Japon !
J’écris sur un petit papier mon désir le plus cher, le plus profond, le plie en quatre et le noue avec les autres voeux laissés là avec l’espoir que les dieux les entendent…
Je quitte le sanctuaire vieux de 2100 ans et m’enfonce dans la forêt de cèdres.
Je trottine sur un sentier très agréable, un vrai plaisir. On dirait que les moines d’alors faisaient aussi du Trail, et que les sentiers qu’ils ont tracés étaient faits pour courir !
Le sentier redescend le long du flanc du mont Mitake, traverse un ruisseau sur un pont de bois jeté en travers,
et entame l’ascension de la montagne d’à côté, le mont Odake.
On arrive bientôt au torii qui annonce l’arrivée au sanctuaire. Quand on passe sous un torii, on le sait maintenant, il faut repasser dessous au retour, sous peine de se perdre dans les limbes car ces portails sont des étapes de passage entre le monde réel et le monde spirituel. Si on ne compte pas repasser par le même chemin au retour, mieux vaut alors passer à côté.
Bon, à force de passer dessous dans un seul sens, je pense que j’ai fini par faire le tour complet et revenir au point de départ !
Après avoir franchi plusieurs petites passes rocheuses j’arrive au sommet du mont Otake. Normalement, l’horizon dégagé offre une belle vue sur les montagnes de la Préfecture de Yamanashi, et au-delà sur le mont Fuji. Mais la météo s’est obscurcie, comme prévu, et ni Fujisan ni ses prémices ne sont visibles. Cela confirme que j’ai bien fait de ne pas pousser jusqu’au volcan ; quelques gouttes commencent même à tomber, alors je hâte mes pas. Une longue dorsale s’étire vers le nord-ouest ; je la suis.
La dorsale, la « ridgeline« , s’étend sur trois kilomètres rectilignes, comme un fil tendu entre deux sommets, le mont Odake et le mont Nokogiri. Une couverture d’herbes et de cèdres y est étendue, séchant tant que possible sous un crachin gris, ses pans pendillant de chaque côté du fil.
Parfois le sentier descend sur un flanc quand la crête est trop accidentée, mais y remonte toujours à un moment ou un autre.
Bientôt je rattrape mon semblable. A 10081, 7 kilomètres de distance (ma maison → Tokyo à vol d’orthodromie) les hommes, malgré des civilisations et des histoires foncièrement différentes, font parfois les mêmes choses : ils courent en montagne. C’est soit la mondialisation, soit que le Trail est le fondement de l’homme… probablement un peu des deux…
Je le salue d’un konnichiwa, et m’excuse platement de le doubler, puis poursuis sur mon fil à linge.
La crête parvient bientôt sur le sommet d’en face, le mont Nokogiri. Terminus tout le monde descend.
En contrebas, la vallée d’Hikawa ; c’est au fond de cette vallée que je compte rallier la voie ferroviaire qui va me ramener sur Tokyo.
La descente n’est pas de tout repos mais les japonais ont équipé les voies de quelques aides à la désescalade.
En descendant je croise un hokora, sanctuaire shinto miniature dressé dans la forêt pour consacrer un kami.
Évidemment les figures ailées gravées rappellent nos anges de loin, mais de près….
Me voilà en vue d’Hikawa et de la station d’Okutama.
Encore quelques petites collines à franchir, bien gardées (gare aux kamis !)
La descente d’un dernier loooong escalier m’amène jusqu’aux premières maisons d’Hikawa.
Je remonte les rues de la petite bourgade tokyoïte typique, lorsqu’aux portes de la station de train je croise le portrait placardé sur un mur d’un vieil ami japonais…
Un animal endémique dont j’avais croisé la route il y a quelques années… un japanese serow.
Je salue mon vieil ami. Je n’ai plus qu’à sauter dans un train, qui me ramènera vers Tokyo et ses habitants… eux aussi endémiques !
Roxane
Magnifique le mont Fuji vu du ciel ! Plus qu’a imaginer ce que peut être « le désir le plus cher » …
Romain
J’adore! Il doit y avoir de jolis trails par là-bas!!! Merci pour la balade
Jphi
Merci les amis ! C’est un pays plein de montagnes, et de sentiers, dont la plupart sont pluri-millénaires… le paradis du trailer !
Tat
Que ton désir le plus cher se réalise ! Comme je te l’ai déjà dit un jour : « quousque tandem Catilina – Phil ?
Jphi
In aeternum !