
Je cours souvent dans des pays lointains. Cette fois, je vous emmène bien bien plus loin car nous sommes sur une autre planète. Une planète à deux soleils.
Tout le monde a vu un lever de soleil : le ciel s’éclaircit, le soleil jaillit, basta. Mais sur une planète à deux soleils, le jour se lève par endroits. Cela a commencé par une tache de lumière, une flaque de soleil qui grandit, puis une autre, un peu plus loin, comme si un deuxième soleil se levait. Les taches se sont rejointes, agglutinées, et ont envahi le ciel.
Oui bon d’accord, nous sommes sur la Terre, il n’y a qu’un seul soleil, et ce n’était que l’ombre d’un nuage…
La journée commence, nous sommes sur la « Grande Île » : Madagascar.
Pour commencer, je dirais qu’il n’y a pas beaucoup de cartes détaillées de l’île. Beaucoup de sentiers, pas d’indications. Je vais donc suivre les traces de mes prédécesseurs : les traceurs de l’UTOP (Ultra Trail des Ô Plateaux) qui a eu lieu un mois plus tôt. Je n’aurai qu’à suivre les restes de balisage !
Le départ a lieu du lac de Mantasoa (prononcer « Mantachou »)
C’est un lac artificiel de plus de 2000 ha, créé en 1931 par un barrage hydroélectrique.
Les berges sont très agréables, couvertes de forêts de pins et d’eucalyptus, et de nombreux petits bourgs émaillent la piste que l’on suit plus ou moins vers l’ouest.
Avec bien sûr chacun leur épicerie et autres commerces…
La plupart des maisons sont en torchis, mélange de boue séchée et de briques.
Après une petite boucle dans les pinèdes, la piste se rapproche du lac.
On peut s’y promener en pirogue, il faut juste faire gaffe aux crocos.
(je blague, il n’y a que des carpes et des tilapias…)
Puis la piste repique vers l’ouest, en direction d’Antananarivo, la capitale de Madagascar.
On traverse les premières cultures, aux alentours du village de Mantasoa.
On aperçoit d’ailleurs le village au bout de la route.
Et c’est justement la fête du village ! Avec son manège !
Le village de Mantasoa, aujourd’hui petite bourgade typique et balnéaire, fut au début du 19ème siècle la première cité industrielle de Madagascar, avec ses hauts fourneaux construits par l’aventurier français Jean Laborde.
Laborde fut un personnage très important auprès de la reine Ranavalona I, et devint même Consul de France. Il est enterré dans ce petit village. Ce personnage fut peu ordinaire : alors que la plupart des occidentaux ont été chassés par la reine, celui-ci pu rester et accomplit sans l’aide d’aucun technicien une oeuvre gigantesque, modernisant à lui tout seul Madagascar, la dotant d’une industrie métallurgique et chimique. Comme il n’avait quasiment aucune connaissance technique, il apprit tout seul en important et lisant des livres…
Je quitte la piste un brin ennuyante pour un petit sentier plus vallonné…
Celui-ci m’emmène au sommet de la montagne voisine, entre Lac-Capitaine et Lac-Kongorevo, d’où une jolie vue de ce qui m’attend s’offre à moi…
Et oui je dois parcourir tout ce paysage, jusqu’à l’horizon et au-delà, derrière cette barre rocheuse que l’on devine tout là-bas…
Les Hauts Plateaux de Madagascar, c’est ça. Une succession de collines, de ruisseaux, de rizières, de villages. Le tout à environ 1300m d’altitude. Sans piste, sans route, ou quasiment pas. Que des chemins serpentant de village en village…
Le tout est de ne pas se tromper, faute de plan ni de panneau indicateur, ni de relief spécifique…
Et tous les villages se ressemblent…
A chaque fois que l’on franchit une colline, on retombe sur une vallée et son ruisseau, et donc ses rizières irriguées par celui-ci. A chaque rizière son village et ses paysans.
Parfois, une église fait son apparition. Histoire de rappeler que la moitié des Malgaches sont chrétiens (mi-catholiques mi-protestants), et qu’ils ont été persécutés par Ranavalona I.
J’ai parfois l’impression d’être en plein moyen-âge. Les maisons sont du plus simple appareil, à l’extérieur comme à l’intérieur. Pour avoir jeté un oeil par la fenêtre, je n’ai pu y voir qu’une paillasse jetée dans un coin et une cruche en terre.
Les villages sont isolés. Non seulement nous sommes sur une île (même grande ça reste une île), mais chaque hameau est un îlot.
Relié l’un à l’autre par un sentier que seuls les hommes ou les zébus peuvent emprunter.
Un sentier, simple fil tendu à travers l’immensité des plateaux,
chez nous on ne se demanderait même pas où il va tant on serait sûr qu’il n’irait nulle part ;
mais ici, au XIème siècle, cette sente n’est pas une trace pour les VTT ni une usure due à quelques promeneurs du dimanche, c’est une voie de communication.
C’est par elle que se déplacent les hommes, c’est par elle que transitent les histoires et les nouvelles du monde, c’est par elle que sont transportées les marchandises.
Ce sentier est un cordon ombilical, c’est par lui que voyage la vie.
Je le suis ainsi un bon moment, croisant un nombre incalculable de personnes, chacune m’adressant un « Bonjour monsieur » dans un français impeccable. Résurgence des colonies. Je ne connaîtrai à aucun moment le nom des villages traversés, je ne sais même pas s’ils en portent un.
Je finis par quitter le système de vallées irriguées et le chemin de la vie pour monter sur les collines voisines ; sur une crête, le pendant de la vie d’en bas : une tombe. Ici non plus on ne mélange pas les vivants et les morts.
Je profite d’une crête plus élevée que les autres pour faire le point et déterminer ma position par rapport au relief ; vu celui-ci, c’est peine perdue…
Je contourne un petit lac perché en « altitude » (tout est relatif sur ces hauts-plateaux), et passe la crête qui le surplombe afin de me glisser dans la vallée voisine.
De là-haut, je peux appréhender la difficulté suivante : la montagne d’Angavobe (1800m)
Je descends le long des rizières bâties en terrasses.
Et j’arrive au village au pied de l’Angavobe
Je retrouve mon chemin de vie, avec ses transports routiers.
En contrebas, la vallée, ses cultures et son entrelac de sentiers. En face, la montagne que je dois gravir avant de redescendre de l’autre côté.
Les champs sont cultivés une année, en majorité des cultures de riz, puis l’année suivante la terre est retournée, la boue utilisée pour fabriquer des briques qui sont cuites et séchées sur place, afin de bâtir les maisons. Ainsi la terre offre le gîte et le couvert.
Petit passage aménagé dans la roche,
puis à force de monter on change de paysage, nous voici dans une épaisse forêt de pins.
Le sommet offre une vue dégagée sur Madagascar ; je ne sais pas pourquoi je m’attendais à autre chose…
Mais quand j’ai découvert la vallée voisine j’ai un moment cru que je m’étais mal repéré et que j’avais fait demi-tour, que la vallée qui se découvrait était celle par laquelle j’étais passé… Mais non, c’est juste que les hauts-plateaux de Madagascar ne sont qu’une succession de vallées qui se ressemblent toutes… Facile de s’égarer dans le coin par manque de repère.
Mais au loin je repère la route, la RN2 sur laquelle j’ai rendez-vous avec mon taxi brousse, près du village de Carion. Celui qui me ramènera sur Antananarivo. Surprise : il est bien là, au rendez-vous prévu Ce qui m’évitera de faire du stop pour rentrer…
Voilà pour un premier contact avec Madagascar, petite prise de température avant d’aller plus loin la prochaine fois !
GUITTON Marc
Voici un coin bien sympa aussi, pas trop loin de Tana : Ampéfy sur les bords du lac d’Itasy. Environ 2h30 de taxi depuis Tana, c’est un coin connu des parapentistes. De belles collines alentour, des cascades ( les chutes de la rivière Lily ), de quoi faire le bonheur d’un coureur des montagnes.
Jphi
Ah merci du renseignement ! J’avais vu cela sur internet, ça a l’air pas mal… Je le mets de côté pour ma prochaine fois !
Romain
Voilà qui change de la Chine et du Japon, mais qui offre toujours un dépaysement total! Merci pour le partage c’est superbe
Jphi
Merci Romain ! C’est vrai qu’il faut varier un peu !
alice
Vraiment chouette, bravo, un réel plaisir à lire…!!
alice.copine de laetitia
Jphi
Merci Alice!… je ne savais pas que tu venais ici !!
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