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L’Ile de la Réunion. Sauvage, réservée. Magnifique, mais qui se mérite. Un joyau de l’Océan Indien. Je m’y suis déjà cassé les dents l’année dernière, aussi je profite d’un passage éclair pour aller m’imprégner d’une partie de la Diagonale des Fous, dans le Cirque de Mafate.

Mafate.
Mafate

C’est le coeur de l’île. Je commence cette histoire par la fin, on dirait. On part du coeur, le but est d’en sortir…
Il faut dire que la Réunion est une île de caractère, on l’appelle l’île intense. Vue de l’extérieur, elle ressemble à un vague cône aplati, aux pentes qui descendent paisiblement vers la mer. Mais son sommet, au lieu d’être arrondi comme une vieille colline ou bien tranché net en oeuf-coque comme peut l’être le mont Fuji, s’ouvre comme une fleur au petit jour : ses pétales que sont le Piton des Neiges, le Piton Maïdo, le Gros Morne, le Grand Bénard, s’entrouvrent délicatement comme un écrin – ou une mâchoire. En son sein, trois cirques : Cilaos, Salazie, Mafate. Trois joyaux. Elle enferme aussi, signe de son caractère violent, l’un des volcans les plus actifs du monde, le Piton de la Fournaise.

Mafate

Tout cela pour mettre dans l’ambiance : la Réunion est un enfer aux airs de paradis. Ou l’inverse, selon.

Mafate

Mafate

Pour l’heure, donc, le but est de suivre le parcours du Grand Raid, qui passera de nouveau par le Maïdo cette année. Je rattrape le chemin vers Grand Place, avant de descendre comme une pierre vers la Roche Ancrée. Je dis une pierre car si vous en lâchiez une elle ne ferait pas autre chose que vous : tomber vers le bas. Regardez-donc la pente de ce sentier vu d’en face…

Mafate

Après avoir traversé la Rivière des Galets je remonte le Bronchard, trottinant le long d’un chemin agréable et profite du paysage en me disant que la prochaine fois que je traîne mes savates par ici, il fera nuit, mes cuisses crieront au scandale après avoir parcouru près de 100km, mon cerveau sera aux abonnés absents, si toutefois je n’ai pas déjà jeté l’éponge à Cilaos.

Mafate

Alors je profite des vues qui s’offrent à moi. Dans 4 mois, il fera nuit noire, je ne verrai rien de Mafate.

Mafate

Ni de ses habitants.

Néphila

C’est une Néphila, appelée là-bas une Bibe. Inoffensive (elle mord mais provoque une simple douleur localisée), atteignant parfois 10cm, ses toiles sont parmi les plus grandes du monde (1m de diamètre) et surtout sont extrêmement solides, pouvant piéger des oiseaux. J’ai testé : un vrai fil de fer !

Mais il serait malséant de réduire les habitants de Mafate à ces araignées. J’arrive justement, via le Sentier Dacerle, à Roche Plate, petit îlet regroupant une vingtaine de maisons dont beaucoup sont des gîtes. Les habitants forcent le respect : il n’y a pas de route menant à Roche Plate. Soit on descend du Maïdo, soit on y parvient par Marla en provenance de Cilaos, soit de Grand Îlet par le Col de Fourche. Tout cela pour dire que si vous oubliez le pain, vous repartez pour plusieurs heures de marche.

Roche Plate

Je traverse rapidement Roche Plate ;

Roche Plate

derrière, un obstacle infranchissable. Une falaise de 900m de hauteur. Le Mur. Le Maïdo.

Maïdo

On ne peut passer par là. Et pourtant, il faut monter là-haut. La seule possibilité est de contourner l’épaulement, en passant par la Brèche. Ce pourrait être celle de Roland. La Brèche sépare l’aileron qui descend du Maïdo (partie gauche de la photo suivante) de la Crête des Orangers (partie droite).

Ti Col

De la Brèche, la vue est impressionnante. En face de nous, mon point de départ, Grand Place, avec son sentier qui chute directement au fond de la Rivière des Galets.

Grand Place

Sur notre droite, le Bronchard et Roche Plate.

Bronchard

De la Brèche partent plusieurs sentiers : celui dont je viens, descendant à Roche Plate, un qui s’en descend vers les Orangers et le dernier, que je vais suivre, qui monte vers la falaise du Maïdo. Assis sur ma Brèche, je contemple le mur qui s’élève devant moi avec perplexité. Finalement ce sera une bonne chose que d’être de nuit lors du Grand Raid. Au moins, cela m’épargnera, au 110ème kilomètre, la vue de cet obstacle insurmontable, cette paroi verticale, cette muraille surhumaine, ce rempart imprenable auquel ne saurait s’accrocher aucun sentier… On se dévisse le cou pour apercevoir le sommet ; on regarde le chemin qui en part à l’assaut en doutant qu’il aille bien loin. Impossible de monter par là !

Maïdo

Et pourtant si. C’est bien par là que passe la Diagonale. Un truc de fou. Au bout de 110km, on ressort de Mafate en escaladant une falaise… Le sentier n’est pas très large, et donne parfois sur le vide. J’imagine qu’en pleine nuit, les jambes fourbues, avec le manque de lucidité, la chute ne pardonnerait pas…

La progression se fait par quarts.

Maïdo

Maïdo

Au troisième quart, la vue sur Roche Plate se fait plongeante. On aperçoit le sommet tabulaire du Bronchard.

Roche Plate

En bas, le fond de Mafate avec l’aileron du Piton Bérane et l’îlet des Orangers.

Mafate

Je continue mon ascension, à un rythme tranquille car je suis fourbu (il faut dire qu’ayant atterri sur l’île le matin même après une nuit blanche, je suis venu directement ici sans prendre de repos – histoire de me mettre dans le même état que pour la Diagonale !) Pour la petite histoire, alors que je portais ma gourde aux lèvres, je me suis fait rattraper et doubler par un Réunionnais, peut-être un habitant de Roche Plate, qui bondissait comme un cabri de roche en roche…pieds nus !!! Il a disparu dans les hauteurs tandis qu’un filet d’eau dégoulinait de ma bouche entrouverte…

J’arrive bientôt au sommet du Maïdo. Je m’assieds au bord du Rempart. Sur ma droite, donc au sud, le « bord » du cirque de Mafate. Sur la droite de la photo suivante, noyé dans les nuages, le Grand Bénare, cousin du Maïdo et relié à lui par le Grand Bord et le sentier du Rempart. Sur la gauche, les Salazes. Je reste assis un moment sur mon caillou à regarder cet horizon sud barré par cette crête rocheuse. Entre les deux sommets, comme un dos crénelé, les Trois Salazes. Mais ce n’est pas cela que je regarde. Mes yeux fixent un petit point, à droite de la crête, juste avant qu’elle ne remonte vers le Grand Bénare. Un petit col est ouvert, permettant le passage du Cirque du Cilaos vers celui de Mafate. C’est le col du Taïbit. Par lui, on sort d’un chaudron pour tomber dans un autre… C’est par lui que je passerai dans 4 mois. Je quitterai le ravitaillement de Cilaos, là où ma blessure m’avait stoppé l’année dernière, et plongerai dans le chaos de Mafate

Taïbit

Mais ça, c’est une autre histoire…

Never Hesitate - Never Regret

Comments:

  • 20 juin 2013

    Et tu le verras ce petit point ! Tu auras pris tes « saussetsecs » super reportage ! Cela donnerait presque envie

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    • Jphi

      21 juin 2013

      « presque » envie ?? Mais je ne te reconnais plus ma Françoise !!

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  • Lafan

    27 juin 2013

    Un avant goût de l’enfer?! Pourquoi a t-on donc hâte d’y être alors?!
    Bon repérage toutefois…
    Quelle merveille la Réunion!

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    • Jphi

      1 juillet 2013

      Bonne question… pourquoi a-t-on envie d’y être ? Il me tarde pourtant !

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  • Tat

    29 juin 2013

    Marceau craint pour ta sécurité vue l’ araignée même si tu dis qu ‘elle super gentille!!!

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    • Jphi

      1 juillet 2013

      heu super gentille j’ai pas dit ça quand même, je suppose qu’elle mord comme les autres, sauf que son venin n’est pas dangereux. Le plus embêtant ça doit être de s’empêtrer dans sa toile en pleine nuit… j’imagine…

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  • 3 juillet 2013

    Ça donne envie d’y refaire un tour (ou plutôt une diagonale), en espérant que l’ambiance est toujours là. On ne sait jamais dans ces grandes épreuves…

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    • Jphi

      3 juillet 2013

      J’espère que tu la referas cette diag’ (elle est un peu plus longue aujourd’hui qu’avant…) je ne sais pas comment était l’ambiance mais l’année dernière c’était plutôt pas mal !!! Je te dirai ça en octobre…

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