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Départ de St-Etienne-Vallée-Française ce matin, pour un long périple à la découverte de nouveaux sentiers, carte IGN en poche. Je quitte le village et son château du XIVè siècle. Je passe le Gardon à la sortie de la ville et monte vers la Clède de Martel.
On croise de nombreuses ruines de mas, bergeries et autres clèdes. Je suis toujours étonné de voir avec quel soin les anciens construisaient leurs maisons. Admirez l’ouvrage, la disposition des pierres. Si nos maisons modernes, abandonnées à leur tour, résistaient aussi longtemps…
Puis, après avoir passé d’autres vestiges, j’arrive au pied d’un autre, bien plus ancien celui-là. Un mégalithe : la « Pierre de la Vieille« .
Ce qui me donne l’occasion de vous raconter une histoire. C’est une légende cévenole, la légende de la Vieille Morte.

En des temps reculés, une vilaine fée résidait au sommet du mont Mars. une vieille femme de la région de St-Germain-de-Calberte, malgré son âge avancé, avait fauté et donné naissance à un enfant. Pour la punir, la fée la condamna à arracher une énorme pierre des flancs du Mont des Laupies (grosses pierres plates en occitan) et la chassa du pays avec son enfant, son chien, son âne, et sa pierre.

Ainsi chargée la vieille s’en alla, mais son enfant, trop fragile pour supporter le voyage, mourut rapidement au col qui est depuis appelé Plan-de-Fontmort (le plan de l’enfant mort). Le chien, lui, tomba dans un trou au lieu-dit Cros del chi (la tombe du chien).

La pluie se mit à tomber violemment comme elle tombe parfois lors d’un orage cévenol, la vieille s’abrita un moment sous une avancée de la roche au lieu-dit Escota se plou (écoute s’il pleut). Devant continuer sa route coûte que coûte, la pauvre femme s’engagea dans la vallée où coule un affluent du Gardon de Saint-Germain. Arrivée en bas du village, il lui fallut franchir la rivière (toujours en portant son énorme pierre) bien qu’elle fût en crue à cause de l’orage ; l’âne trébucha et se noya d’où le nom de Négase (noie-âne) donné à ce gué.

Épuisée, la vieille s’assoupit un moment sur une crête nommée depuis Mortdesom (mort de sommeil), puis tenta de continuer. Poursuivie par la méchante fée, elle reprit péniblement son chemin, portant toujours sa pierre énorme. La vieille commença l’ascension de la montagne mais avant d’arriver au sommet, éreintée, ne parvenant plus à porter son fardeau, elle abandonna ce qui devint « la Pierre de la Vieille ». Terrorisée (l’orage continuait et la fée se rapprochait) et accablée du chagrin d’avoir perdu son enfant, elle se mit à pleurer créant le valat de las Gotas (le ruisseau des gouttes). Malgré tout, la vieille parvint enfin au sommet de la montagne mais la fée l’y rattrapa et la tua pour avoir perdu la pierre. En souvenir de cette malheureuse, la montagne est appelée la Vieille Morte.

Tous les lieux-dits cités dans l’histoire existent réellement. C’était donc devant la fameuse Pierre de la Vieille que je me trouvais. Tout en sachant où je me rendais : sur sa montagne
Alors pour ne pas trop faire dans le contes et légendes, je vais tempérer le récit en soulignant qu’il existe de nombreuses « pierres de la vieille » dans la région et même tout le pays. Il semblerait que le terme « Vieille Morte » désigne un dolmen ou un tumulus, protégeant des ossements, tandis que les menhirs ne recouvrant pas de corps sont attribués à des « Vieilles Vivantes ». Voir au sujet de cette légende l’article intéressant de Rives Méditerranéennes.
Je poursuis donc mon chemin vers ma Vieille en passant près des Moulines et sa réserve d’eau.
Un peu de jardinage pour trouver un semblant de sentier fermé par les ronces, avant de rejoindre le carrefour GR44/GR67. A force de mettre des panneaux Propriété Privée partout, les chemins désertés se ferment et disparaissent…
Mais enfin, ça y est. J’y suis, sur ma montagne de la Vieille Morte !
Les cairns se succèdent à intervalle régulier. Y aurait-il souvent du brouillard l’hiver ? Nous louvoyons entre 800 et 900m d’altitude.
Puis on arrive au Col de Prentigarde, réputé pour les cyclistes, avec sa table d’orientation.
La vue est magnifique, donnant sur les vallées à l’ouest, et St-Germain-de-Calberte, où je passerai plus tard.
Le sentier tourne en tous sens tandis qu’il monte jusqu’à 970m. On passe le Malpas (« mauvais pas ») où le sentier tourmenté se resserre, et on se rapproche de Montcamp, d’où une vue à 360° nous offre la Méditerranée, l’Aigoual, le Lozère, le mont Mars, le Bougès, bref la Cévenne sur un plateau…
Les cairns sont de plus en plus grands. Je traverse des lieux chargés d’histoire. Ainsi, le Plan des Fourches, appelé ainsi car dans le temps s’y dressaient des potences pour rappeler la toute-puissance des seigneurs d’alors, puis plus connu comme lieu de rendez-vous pour les assemblées du Désert et par la suite comme point de ralliement par les Camisards qui s’y retrouvaient au début du 18ème siècle avant d’aller commettre leurs coups.
On arrive au hameau des Ayres. Quelques maisons resserrées à 800m d’altitude pour accueillir les troupeaux de moutons en transhumance qui y passaient la nuit avant de continuer leur chemin.
Sur sa place herbeuse, à l’ombre des platanes, se tenaient jadis une grande foire : la « loue« , pendant laquelle des jeunes gens et jeunes filles venaient louer leur service de ramasseur de châtaignes ou de blé. Travailleurs et propriétaires s’y retrouvaient, les bancs des écoles se désertaient.

Plutôt que de continuer sur St-André-de-Lancize, je redescends le flanc de la montagne sur une petite sente, passant par quelques châtaigneraies.

 

 

 

Mais la surprise m’attend plus bas : à la traversée du Gardon de St-Germain, par un petit pont moutonnier.
Le ruisseau n’est pas large, mais la gorge est profonde, on pourrait y faire du canyonning. L’ouvrage lui-même est ancien, on hésite à le traverser ! Un très bel endroit pour venir s’y tremper l’été…
Le sentier toujours aussi pittoresque continue de l’autre côté, remonte vers Valmale, le long d’anciens bancels.
Puis, au détour d’un tournant, se dévoile le Château de St-Pierre, ou Château de Calberte. Attention les yeux ! On se croirait revenu au Moyen-Âge…
Construit au 11ème siècle, abandonné au 14ème, sous l’autorité des seigneurs d’Anduze, il abritait un village de métallurgistes. En ruine, il a servi de refuge lors des guerres de religion et pendant la guerre des Camisards. Il est aujourd’hui en réfection privée et peut se visiter.
Plus loin, encore un pont jeté au-dessus d’une ravine, puis on arrive sur St-Germain-de-Calberte et ses bancels toujours utilisés pour les cultures.
Une traversée rapide du village et de ses mas, puis retour sur St-Etienne-Vallée-Française en empruntant une partie du GR70, jadis emprunté par Stevenson et son âne…
Un joli petit périple de 40km au coeur des Cévennes…

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