Le Peyremale est un massif calcaire dont la falaise abrupte, tranchée par le Gardon d’Anduze, vient faire face à celle du Saint-Julien. Les deux sentinelles de pierre viennent alors former ce qu’on appelle la Porte des Cévennes, puisque c’est bien d’une porte qu’il s’agit. Un gigantesque portail minéral qui garde l’entrée des Cévennes. D’habitude, on contourne le Peyremale. On le longe, on l’esquive, on le regarde d’en bas. Pas cette fois.
Départ de Bagard, petite commune à l’est du massif, non loin d’ailleurs d’un petit hameau du nom de Peyremale, lui-aussi. Normal : en s’adossant à la montagne il en prend le nom… Je pars donc avec la vague idée de rallier Saint Felix de Pallières, connu pour ses dolmens, pour repas dominical. Sans savoir par où passer exactement, m’en remettant à l’inspiration du moment. Ce qui apporte son lot de surprise en général, bonnes ou mauvaises.
La première est assez bonne : au lieu de prendre le sentier habituel autour des serres, en direction de Blateiras, je remarque une faille creusée entre deux collines, creusée par le ruisseau de Font Vive.
Je remonte le courant d’eau claire, qui doit être boueux et violent par jour d’orage, et déniche même une petite cascade.
L’eau est claire, on s’y baignerait ! Surtout avec ces températures (l’été indien au mois de février)…
Je remonte ainsi toute la rivière, au fond du petit canyon, et arrive bientôt au hameau de Blatiès. Là, on est en territoire connu.
En foulant le petit sentier qui descend vers les Gypières, où on passe habituellement lors des entraînements du Cévennes Trail Club, je remarque en levant les yeux la silhouette du Peyremale.
Le massif de calcaire fait le dos rond. On devine les courbes de ses failles, des multiples couches géologiques plissées par les poussées telluriques. J’ai toujours voulu monter là-haut. Je me suis souvent laissé dire qu’il n’y avait pas de sentier. On peut monter au Peyremale, côté Anduze. On y va souvent admirer la vue plongeante sur le village d’ailleurs. Le problème, c’est que ce n’est pas véritablement le Peyremale : le sommet sur lequel on monte est une excroissance de ce dernier. Il lui manque 40m.
Alors je profite d’être seul pour tenter ma chance. Il est probable que je vais « jardiner » c’est-à-dire chercher mon chemin, aussi je préfère être seul dans ma galère. Bien m’en a pris.
Je grimpe sur le dos de la montagne sur un petit sentier de sanglier. De là-haut, la vue s’ouvre : Blatiès vu du ciel.
On est à flanc de falaise. On distingue, toujours avec un angle de vue inhabituel, le fameux hameau des Gypières par lequel on passe lors de nos entraînements…
Alors, y a t-il un sentier sur le Peyremale ? Oui, par dizaines. Sauf que ce ne sont pas des sentiers. Mais des sentes. La différence ? Ils ne sont pas faits pour l’homme, mais pour le sanglier. La belle affaire. Oui, mais le sanglier est plus petit, il trottine ventre à terre, sous des branches de 50cm de hauteur, est équipé contre les ronces et autres griffes. On y reviendra. Quelques cairns se succèdent néanmoins pour indiquer un semblant de direction mais le vent, la pluie, le gel, les sangliers ou que sais-je les ont éparpillés avec le temps. Et oui, les cairns du Peyremale ne sont pas les montjoies du Lozère…
Bref, j’étais content quand je courais sur un pierrier, car au moins le sentier était dégagé de toutes ces racines, branches basses, épines, sous-bois ronceux et autres plaisanteries naturelles bonnes à déchirer t-shirt et chair humaine.
Mais au moins, de là-haut, la vue est belle : les sangliers ont une belle terrasse. Belle vie, assis au bord d’une falaise, au soleil, à mâchouiller des glands…
Je continue à gambader sur mon « sentier » en balcon, on se rapproche d’Anduze, on devine déjà la silhouette caractéristique du Capelan.
Il faut quand même regarder où on met les pieds. Faute de quoi on se retrouve 200m plus bas, sur le parcours habituel des Gypières…
On retrouve les lieux-dits du Ribas ou Bouviès. À les regarder de tout là-haut, on croirait lire une carte IGN…
Voilà, on se rapproche de la plaine d’Anduze, avec Labahou et la colline de la Paillerette où passe le Trail Cévenol en novembre, et le Capelan.
Me voilà au bout du Peyremale. La falaise plonge (de là où je suis je ne la vois pas) vers le Gardon ; je préfère ne pas m’en approcher car c’est cette falaise qui s’effrite, jetant ses cailloux sur la route de Générargues, engendrant des travaux de mise en sécurité avec des rotations d’hélicoptère pour fixer des filets… C’est sûr que si les techniciens avaient dû emprunter mon parcours pour se rendre sur le chantier, celui-ci n’aurait pas avancé très vite…
Mais l’heure tourne et j’ai tout de même rendez-vous à St Felix de Pallières, je le rappelle, pour déjeuner. Si je veux manger chaud, il faut que je me presse. Par où redescendre ? Je m’étais vaguement répondu que j’allais rallier le « faux Peyremale », la fameuse excroissance de Peyremale vers le sud, qui est accessible par un sentier reliant à Anduze. Le problème c’est qu’entre les deux s’étend une sorte de vallée, une cuvette de 100m de profondeur. Assis sur une pierre sur le Peyremale, le vrai, je regarde en face le Peyremale, le faux. Je me suis assis, non que je sois fatigué, mais je suis d’un coup « mou du genou » comme qui dirait… Car la dépression qui sépare le vrai du faux, la cuvette ai-je dit, mais en géographie on appelle ça une doline, un poljé, ou même un sotch dans les Causses, la cuvette donc, je dirais baquet, voire bas-fond, ou culot, car l’agacement me gagne, est en réalité un obstacle. Entre les deux bras du Peyremale s’étale un vaste champ de ronces. Je ne sais pas comment on dit. Une ronceraie ? Un roncier ? Une roncière ? Le résultat est le même : soit je fais demi-tour (comment ça je ne fais jamais demi-tour ?) et je perds 2 heures, soit je traverse à la nage.
Allons-y pour la traversée. D’en haut, de loin, ça n’avait pas l’air si terrible. Mais au coeur du problème, c’est autre chose. Toutes les espèces d’épineux poussaient là comme si c’était le berceau de leur civilisation. Et rivalisaient entre elles : l’épine la plus longue, la plus acérée, la plus accrocheuse. Aiguillon, éperon, ergot, rostre, mucron, spicule. Tout y est. J’ai testé pour vous : certaines piquent, d’autres déchirent, transpercent, lacèrent, balafrent, tailladent, ou s’entortillent autour de vos pieds vous précipitant dans les serres des premières. Toutes vous torturent, vous mettent au supplice. Ils sont fous ces romains, Jésus en a fait les frais avec sa couronne d’épine…
Au début, on fait attention : on lève haut les pieds pour les aplatir, les enjamber. Mais peine perdue : je l’ai dit, certaines s’accrochent et vous retiennent, vous font chuter. Au bout de cinq minutes j’étais lacéré de toute part. Alors au bout d’un moment, on le lève plus la jambe. On passe on force. C’est comme marcher dans l’eau jusqu’à la taille contre le courant. On fend la mer de ronces en serrant les dents. Pas bon.
Arrivé enfin en haut du Peyremale, le faux, je profite quelques minutes du panorama, les cuisses lardées.
Beau réconfort. Ouf, je retrouve le sentier, redescends sur Anduze et entame la remontée sur St Felix à toute bringue.
Les gens avaient raison : il n’y a pas de sentier sur Peyremale. Mais il y a des ronces.
Ah oui pour ceux que ça taraude : c’est bon j’ai mangé chaud.
Lafan
Hihihi!!!
Ben ça y est , il est dégagé le sentglier ( euh … Contraction de sentier et de sanglier, mais je crois que tout le monde aura compris !) …
Maintenant que tu as ouvert la voie, vous allez tous pouvoir y aller !
T’aurais dû te prendre en photo après ta traversée pour qu’on ait une idée du carnage !
Merci pour le récit de ta croisade, j’ai bien ri…
Tat
Magnifiques photos comme d’habitude et texte à faire rêver .petit N.B. Pourtant: les repas servis à St Félix de Pallières ne sont jamais froids quelle que soit l’heure à laquelle arrive l’Homme des bois .
PPaco
Une vraie expèdition !
Nous nous y sommes « perdus « , Hélène & moi avec les chiens, il y a quelques années.
On a mis 2 heures pour les 2 kilométres du retour du Peyremale vers le DFCI, par la cuvette.
On avait voulu couper par les sentes de sangliers, mais parfois nous avancions à 4 pattes sous la végétation,
parfois même, nous devions porter les chiens coincés dans des cavités, à d’autres moments, nous étions complètement emprisonnés dans un océan de salsepareille, ne pouvant plus du tout avancer.
Nous n’avions pas voulu prendre le même chemin qu’à l’aller en longeant la falaise, et on a eu bien tors.
Je pense que ce que tu appelles ronces est une sorte de liane à feuilles en forme de coeur, la salsepareille, appelée aussi » liseron épineux « ,
avec des épines recourbées qui accroches tout sur son passage ; c’est bien pire que les ronces !
Il faut savoir aussi, que sur le peyremale et surtout sur la cuvette entre les deux collines, se trouvent bien cachés par la végétation, des trous profonds de plusieurs mètres, dû à la dissolution de la roche calcaire par les eaux de pluie, où les chasseurs ont déjà perdu des chiens …
La vue sur les Gypières est par contre magnifique, mais elle se mérite vraiment.
Jphi
Je ne savais pas que j’aurais pu finir dans un trou ! C’est bien aussi de mettre un nom sur ces saletés de ronces qui vous déchirent les chairs.. La salsepareille… c’est pas ça qu’ils mangent les schtroumpfs ????
Merci pour ces précisions Paco, comme quoi on en apprend tous les jours, même dans les ronces !
ThePop
Alors petit schtroumpf-gourmand on s’est fait une bonne indigestion de salsepareille ? Péché de gourmandise mmmhh !
Du nord au sud, de l’est à l’ouest, tes images sont toujours à rêver. Merci de nous les faire partager.
zam
Sympa ces indications. Car moi aussi cette montagne me démange. Je vais m’y coller avec une machette…
Au plaisir.
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