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Le temps est au beau fixe, les fibres des cuisses se renforcent peu à peu… Je pars sur un coup de tête, direction le Pic de Finiels, sur le mont Lozère.

Sauf que je ne l’atteindrai jamais : sur la route, approchant le petit village de Vialas, posé à flanc de montagne, j’avise au-dessus de ma tête des crêtes rocheuses pleines de promesses… Je me gare là, et pars un peu à l’aventure, sans carte, sans GPS, à vue.

Avec un peu de musique dans les oreilles,

[audio:http://www.runtheplanet.fr/wp-content/uploads/2010/10/adagio.mp3|titles=Adagio for TRON|artists=Daft Punk|loop=yes]

je monte le long d’une draille, dans la Vallée du Luech.

De l’autre côté se détache sur le ciel bleu la ligne de crête entraperçue de ma voiture et qui a décidé de mon arrêt : les Rochers de Trenze.

Mais la route est encore longue, et je poursuis mon ascension le long de cet ancien sentier qui autrefois (et aujourd’hui encore d’ailleurs) servait pour monter les animaux dans les alpages l’été. Je suis des signes de couleur parfois jaune et rouge comme ici, parfois blanche et rouge, d’autres fois verte… Navigation à vue.

Avec l’altitude, quelques belles plaques de glace demeurent encore malgré les températures clémentes. Petite pensée pour Paco à chaque fois que j’en croise une (oui je sais Paco, tu t’en passerais bien…)

Tandis que je monte, le paysage change assez vite (et ce n’est pas parce que je monte vite, les jambes ne sont pas encore revenues à leur niveau) : les arbres ont laissé la place à des étendues de genêts et de roches proprement rondes qui poussent là.

Les boules de granit encombrent le paysage. Il y en a partout. Comme un vaste jeu de billes échappées du sac d’un géant.

Les pierres sont posées là où on les a abandonnées, ou bien où elles ont gentiment roulé, et on se demande même si elles ne pourraient rouler plus loin si on les poussait un peu du pied… Il y en a même qui se montent dessus…

Comment sont-elles arrivées là ? Car il y en a des centaines, par endroits elles recouvrent tout l’espace disponible : elles n’ont pu rouler là toutes seules tout de même !

J’ai bien cherché l’explication, comme celle des moraines déposées par les glaciers, mais des glaciers sur le Lozère il y en a bien eu, mais c’étaient des glaciers de cirque, pas sur des pentes ou des plateaux comme ici…

Alors ?

Et bien les boules de pierre ont simplement poussé là. C’est ce qu’on appelle un chaos granitique : le mont Lozère est une montagne de granit, pleine de fissures. L’eau s’y infiltre, gèle, et fait éclater la roche, dégageant avec le temps d’énormes blocs de rochers. La pluie, le vent, font le reste, dégageant les couches superficielles comme des pelures, et modelant les roches comme de vulgaires oignons.

Je poursuis mon petit bonhomme de chemin, nouvelle pensée pour Paco,

et j’arrive sur un plateau pelé à environ 1200m d’altitude.

C’est le hameau de Gourdouse.

Je dis hameau, mais il doit y avoir 4 ou 5 maisons, pas plus.

Là, j’emprunte précautionneusement un pont de fortune jeté par-dessus un ruisseau encombré de glace,

ruisseau qui se jette dans un cours d’eau plus imposant, du même nom que le hameau qu’il traverse : la Gourdouse. Lui aussi se dégage lentement de la gangue de glace qui l’avait retenu tout l’hiver (qui n’est pas terminé d’ailleurs).

L’été ce doit être un coin de paradis pour se baigner… Là, comme j’ai bêtement oublié mon maillot, je file à regret…

Je continue sur ma draille, sur laquelle s’appuie le GR68, ainsi qu’une épaisse couche de glace bien compacte (t’es toujours là, Paco ?)

La progression est lente car je n’ai pas mes Yaktrax pour accrocher la glace, alors c’est un peu Holiday On Ice… Je m’arrête de temps en temps pour photographier les jolis dessins laissés là par les jeux de l’eau saisie dans la nuit glacée…

Je remonte toujours le long de la Gourdouse, que je franchis sur un autre pont de fortune.

Ce paysage d’herbe jaune et sèche tranché proprement par une rivière de glace ne cesse de me surprendre.

C’est comme de voir l’été traversé par l’hiver…

La glace s’est engouffrée dans chaque trou, chaque cuvette et s’y rassemble en une couche bien épaisse et opaque. On peut traverser à pied.

Je quitte la petite vallée tranquille et sa rivière de glace,

et attaque le flanc de la Chalssade, petite colline où je retrouve quelques arbres, mais où la glace a toujours droit de cité et refuse de lâcher ses proies.

En me retournant, le regard s’ouvre sur les plateaux du Lozère, avec ses chaos granitiques, et diverses appellations de rochers (Rocher de la Pudissine, Rocher de Peyralte) que j’irai visiter une autre fois.

Je franchis bientôt le petit col de la Chalssade,

et bascule de l’autre côté, impatient de découvrir une nouvelle vue. Devant moi, le paysage change : voici les Roncs de Chabals.

Mais les boules de pierre sont toujours là. Il y en a vraiment partout !

La falaise, vue ici du bon côté, plonge de 1300m vers le fond de la vallée, 900m plus bas…

La vue donne sur la suite de l’échine de pierre de Chabals, et en contrebas le fond de la vallée d’où je suis parti avec le village de Vialas.

Vers l’est, le hameau des Bouzèdes, connu pour son sentier du même nom et sa course de montagne éponyme…

Devant moi, on redescend légèrement dans la Nasse de Farou, et le sentier remonte sur la crête préfigurant les Rochers de Trenze, échappant toujours aux regards.

Un dernier petit effort… De ce piton je les verrai ces Rochers de Trenze !

Effectivement, perché sur ma dorsale, je passe un bon quart-d’heure à tourner sur moi-même…

Au sud, les Rochers de Trenze, vus par la tranche, donc peu impressionnants. Je les verrai mieux plus tard.

Sud-est : le Col de Montclar, qui permet de basculer sur Génolhac.

Sud-ouest : le village de Vialas, point de départ et d’arrivée.

Au nord, la ligne de crête baignée par le soleil d’après-midi, et le col de la Chalssade franchi plus tôt.

Je redescends de mon perchoir,

et passe le long du flanc de ces fameux Rochers de Trenze.

Mais je ne m’attarde pas car je ne suis pas tout près d’être arrivé : le sentier s’enfonce dans une forêt de genêts, et serpente à tout va dans le chaos de blocs de granit.

Mais je rejoins enfin le col de Montclar,

et emprunte une draille qui descend dans la bonne direction, tout droit vers Nojaret et Vialas.

Entre les deux villages, je passe non loin de la maison de mes rêves, avec à l’étage la fenêtre de ma chambre,

et bien sûr mes animaux de compagnie, accessoirement pourvoyeur de lait et fournisseur de fromage, batifolant dans le jardin… (ouh la, je sens que je vais avoir des commentaires…)

Un peu plus loin, une petite curiosité : une partie de la forêt est complètement prise par les glaces.

Mais cela n’a rien de naturel : un tuyau, captant la source un peu plus haut, a une fuite et vaporise un fin brouillard d’eau entre les arbres. Le gel nocturne s’en donne à coeur joie pour laisser libre cours à son délire artistique…

En sortant du bois et en ralliant Vialas, je jette un dernier regard en arrière, à ces Rochers de Trenze inondés d’un pâle soleil d’hiver, qui auront été l’objectif improvisé d’une bien belle balade…

A refaire !

20110126_Trenze

Never Hesitate - Never Regret

Comments:

  • 26 janvier 2011

    Si tu vas au Finiels, fais le GR7 col de finiel – l’Hopital – pont du tarn – Col de l’Ancize – pont de Montvers – Finiels – travers de l’homme et retour au col. Je l’ai fait, il y a 3 ans et c’est plus que magnifique. Prend ton maillot pour ton passage au pont du tarn!
    Je suis penchée sur ma carte à repérer tes sentiers. Je crois que je suis love à fond des paysages granitiques (hihihi!!!!!!!!)
    Bonne course au Coutach. J’y serai pas. J’irai à Gruissan

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    • runtheplanet

      26 janvier 2011

      C’est noté ! Je pointe ça sur ma carte et j’essaie de le faire avant que la neige ne revienne !
      Pour mon parcours, il est facile à retrouver, il doit faire 15km/1000m+
      Bonne course à Gruissan !

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    • runtheplanet

      27 janvier 2011

      J’ai mis la trace GPS en ligne, ce sera plus facile pour toi, mpie, tu n’auras pas trop besoin de t’abimer les yeux sur tes cartes IGN…

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  • Jacky

    26 janvier 2011

    Oui, superbe endroit. Cela me rappelle une sortie au départ de Vialas, jusqu’au hameau de l’Hopital, et retour par un autre chemin, qui doit être celui que tu as pris pour l’aller. Il vaut mieux avoir un bon GPS ou de bonnes cartes dans le coin, mais c’est un site que j’apprécie beaucoup !

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    • runtheplanet

      26 janvier 2011

      C’est clair que c’est magnifique.. A refaire tous ensemble avec le club !

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  • le concombre masqué

    26 janvier 2011

    Salut l’homme, si tu aimes des paysages particuliers, je te conseille un petit tour ( plutôt un grand ) sur le Causse du Larzac…Tu y verras des pierres, des pierres, petites, grandes, particulières….L’eau ( et le vent ) a créé vraiment des formes inimaginables. Il te faudra juste faire attention aux vipères ( sauf en hiver ). C’est mon pays et il peut être grandiose pour ceux qui savent ouvrir les yeux.
    PS : Ma femme commence à passer beaucoup de temps sur ton blog : ça devient génant.

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    • runtheplanet

      26 janvier 2011

      Le Causse du Larzac… il y a longtemps que ça me taraude… Le Méjean, aussi, les Grands Causses, enfin tous les Causses, quoi… courir dans l’immensité !
      Bon, tu me donneras des tuyaux pour le Larzac je compte sur toi !!
      PS : pour ta petite femme, j’en suis très flatté !

      A+ le concombre…

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  • PPaco

    27 janvier 2011

    Joli coup de tête, mais encore un peu trop de plaques de glaces pour moi . . .
    Même si je n’ai pas de raquettes, je suis plutôt partant pour le Séquoia National Park car j’ai eu une grosse tronçonneuse à Noël.
    Merci pour cette belle « fenêtre improvisée » et ensoleillée sur nos chères Cévennes.
    Paco

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    • runtheplanet

      27 janvier 2011

      Ah mon Paco… vivement l’été il y aura moins de glace…
      Pour le Séquoia Park je ne sais pas si ta grosse tronçonneuse en viendra à bout, tiens regarde ces images : http://bit.ly/71ugE7

      Au fait tu as vu j’ai rajouté un petit lecteur de musique au début des articles. Je dis ça car te connaissant, tu devrais bien aimer le morceau de cette sortie…

      A bientôt Paco…

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  • martinez mireille

    28 avril 2013

    j’ai voulu le faire mais comme je ne sais pas lire une carte ign cela a été plutôt la galère en partant de Nojaret mais arrivé aux Boussédes après impossible y a t il une explication comme dans le livre la Lozère à pied merci

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    • Jphi

      20 mai 2013

      Pas de GPS ? Ou de smartphone ? Ça évite le jardinage…

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