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Cordillère des Andes, Chili.

Malgré l’habitude, le spectacle est toujours aussi grandiose.

On ne se lasse pas du sublime. On a beau s’y essayer, passer des dizaines de fois au même endroit, c’est toujours la même émotion, l’impression de le découvrir pour la première fois. Si vous rencontrez des gens qui se disent blasés de survoler la Cordillère, c’est qu’ils ne l’ont jamais vue.

Zigzaguant entre les sommets battus par les vents, on finit par se poser à Santiago du Chili.

Le temps de se rafraîchir après plus de 14H de vol depuis Paris, on s’équipe directement pour une après-midi de glisse à 3500m, histoire de se dérouiller et de s’acclimater un tant soit peu à l’altitude andine. Histoire de, car ici ce ne sont pas les Alpes : les stations sont en haute montagne. Le pied des pistes est à 3000m, et les remontées mécaniques nous traînent jusqu’à 3700m comme si tout était normal. C’est la fin de l’hiver ici, on est dans l’hémisphère sud…

Une petite nuit là-haut, dans le chalet de Fred de Crew Adventure, puis au petit matin on se dirige vers l’héliport de Valle Nevado.

Je dis « on » : Pascal et Rémi m’accompagnent pour cette aventure.

D’ailleurs Rém est un peu tendu et surveille sa montre.

Il faut dire qu’il a déjà tenté 7 fois de réaliser une dépose hélico ici à Valle Nevado et la sortie a été annulée 7 fois pour diverses raisons. La 8ème sera-t-elle la bonne ? Un coup d’oeil sur le Plomo (5430m), qui nous surplombe, n’est pas pour nous rassurer : des bourrasques soulèvent des nuages de neige, signe qu’en altitude l’air est plutôt agité et risque de compromettre l’atterrissage en hélicoptère.

Mais un vrombissement monte de la vallée, l’hélicoptère arrive. Un bel écureuil tout bleu, tout neuf.

L’Écureuil, un AS-350B3 d’Eurocopter, est une star chez les hélicos : il s’est posé, en 2005, sur le sommet de l’Everest (8848m), pulvérisant le record de posé-décollé en altitude. Ce record ne sera plus jamais battu… (ben oui, à moins d’attendre quelques millions d’années qu’il pousse ou qu’une autre montagne le dépasse…)

Tout ça pour dire qu’on n’a pas grand chose à craindre de la part de la machine, sauf que le chargement est plus lourd qu’à l’Everest : on est cinq, plus le matériel. Quant au pilote, son expérience joue en sa faveur, et comme dit Miguel notre guide, dans ce métier, si on tombe sur un nul, on change vite fait.

On charge les skis dans le panier fixé sur le patin, on fait un briefing, car là-haut sur les crêtes ce sera trop tard pour s’expliquer, et on s’installe confortablement.

L’hélico décolle dans un bruit d’enfer, et plonge dans la vallée, avant de prendre du facteur de charge et remonter, visant au loin quelques crêtes. A l’horizon sur notre gauche, el Plomo toujours battu par les vents.

On survole la vallée de Rio Olivares dont le cours d’eau s’échine à s’extirper des hautes montagnes, se contorsionnant à 2300m. Ridicule.

Nous franchissons la crête d’en face, et l’hélico descend sur une corniche, y pose délicatement ses patins, restant en équilibre sur le bord tandis qu’on débarque et décharge le matériel en quelques secondes. Miguel fait un signe du pouce au pilote qui redécolle, précipitant son appareil dans le vide. D’un seul coup, le silence s’abat sur nous. C’est quand le vacarme s’évanouit qu’on prend conscience du vide qu’il a laissé. La libellule de métal envolée, la montagne reprend ses droits.

Nous sommes à 4300m d’altitude. Ce n’est pas rien.

Il fait un temps magnifique, le panorama s’expose comme une vitrine. Nous chaussons nos skis, prenant garde à ne dévaler ni d’un côté ni de l’autre de la crête affutée comme une lame de couteau, et nous nous préparons à descendre le flanc sud.

Ici, dans l’hémisphère sud, les faces sud sont l’équivalent de nos faces nord car l’exposition au soleil est inversée…

Le départ est assez pentu, mais en contrebas les courbes s’adoucissent, et on croirait presque descendre dans une coupe de crème chantilly…

On descend ainsi tranquillement dans une neige fraîche, faisant quelques pauses car avec l’altitude l’effort à fournir n’est pas le même !

Puis l’hélicoptère revient nous chercher dans la vallée… pour nous remonter sur une autre crête !

En remontant, on longe nos propres traces laissées sur le flanc de la montagne, comme une estafilade dont elle n’a que faire…

Plus haut, quelques arabesques que nos skis ont laissé… chacun dans son style.

L’Écureuil fonce vers une autre crête, aussi étroite que la précédente…

Nous rechaussons les skis et redévalons la pente, dessinant d’autres arabesques, signatures aussi personnelles qu’une empreinte digitale : chacun la sienne. On reconnait Pascal à son écriture serrée de chamoniard.

Et le Rem à sa calligraphie appliquée, parfois ponctuée de quelques fautes remarquables, façon boules ne neige… (voir vidéo )

La neige est immaculée sur ces flancs vierges. Juste caressée par le vent, pourfendue par nos skis. On aurait presque honte d’y laisser nos traces.

En bas, tout en bas dans la plaine, l’hélico nous attend, vrombissant doucement comme un insecte posé sur une meringue.

Comme on n’a pas du tout envie d’en terminer, et qu’on voudrait continuer à glisser sur ces pentes inaltérées pendant des heures, on a envie de le chasser d’un revers de main comme une vilaine mouche, qu’il s’envole et nous laisse à nos courbes.

Mais c’est peine perdue. Il revient nous chercher.

Et nous arrache littéralement à la neige et à notre joie de la glisse.

Nous survolons nos traces, écrites dans la peuf comme des lignes sur les pages d’un livre.

Comme nous survolons le flanc de la montagne, nous remontons nos traces comme si nous lisions le livre à l’envers, retournant au premier chapitre et à la première crête.

On repasse devant el Plomo, toujours échevelé par le vent. L’occasion de me le mettre dans un coin de l’esprit. El Plomo : inscrit sur la liste des trucs à faire. Peut-être une ascension éclair un de ces jours…

Pour l’heure on retrouve nos copains restés en station, pour descendre quelques pistes en leur compagnie. Mais le coeur n’y est plus : quand on a goûté au silence de la montagne sauvage, le retour en station n’est jamais très agréable…

Petite vidéo en musique !

Never Hesitate - Never Regret

Comments:

  • 22 septembre 2011

    Jean-Phi t’es un chanceux!
    Ce que c’est beau, ce que ça devait être bon!
    Merci de partager ça!
    Du bonheur… en poudre!

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    • Jphi

      24 septembre 2011

      T’as raison Alex c’était vraiment trop bon !!!

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  • rèm

    22 septembre 2011

    On y retourne?

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    • Jphi

      24 septembre 2011

      C’est clair ! Dès qu’on peut ! Mais un peu plus engagé la prochaine fois…

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  • Jacky

    23 septembre 2011

    Bon rien à dire de plus : belle descente dans la nature vierge. Super…

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  • 24 septembre 2011

    Vraiment chouette…..Photos, musique, vidéo…..Quelle chance!

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    • Jphi

      24 septembre 2011

      Merci Mpie, la musique tout ça c’est de l’enrobage pour essayer de rendre un peu l’émotion qu’on ressent sur place…
      Et la chance… ça se provoque !

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  • 24 septembre 2011

    Là, que de belles descentes !
    Et la neige, comme de la crème à la bonne
    température, et sans voir le Mercure.

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    • Jphi

      25 septembre 2011

      Ouh la il faut te suivre, Paco… les jeux de mots par blogs interposés..!!

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  • Patrick

    25 septembre 2011

    Au debut j’ai cru que tu nous emmenais en Finlande (Heliski !) mais non c’est la Cordillere et vu d’avion en plus.
    Bon je vois que vous êtes des adeptes du co-heliportage c’est bien de penser à la planéte!
    Vous avez bien raison d’en profiter et de nous faire partager par la même occasion.

    Hey J Phi, la prochaine fois fouts nous ton zinc en piqué et fais nous une vidéo avec un bon vieux skate-punk americain en fond sonore sans oublier les hurlements des passagers !!

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    • Jphi

      26 septembre 2011

      Aah je vois Pat que tu as des pulsions soudaines que tu as du mal à refréner ! Je devine ton air halluciné, sourire inquiétant, pupilles dilatées, coeur fébrile, langue entre les canines, à l’idée d’entendre hurler tous ces passagers !!!
      T’aurais pas peur en avion toi ?

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      • Patrick

        27 septembre 2011

        Nan, j’adorais ca et l’helico aussi, ce qui faisait peur au debut c’etait d’en descendre en vol !!
        (avec tout ces Vietcongs qui nous attendaient en bas !)

        Bon et mon piqué ….. une petite vrille alors !

      • Jphi

        27 septembre 2011

        Mais oui Patrick tu l’as déjà raconté, quand tu sautais en para dans la jungle, machette entre les dents, grenade dans le slip, au cri de « Montjoie Saint-Denis !!!! »

  • 28 septembre 2011

    Tu as raison c’est une fantastique aventure de plus et quelle beauté!
    Dommage que je ne sois pas un skieur, car là je me serais bien lancé.
    Superbe;-)

    reply...
    • 28 septembre 2011

      Oui ça change un peu de la course à pied… Mais quoi qu’on fasse dans la montagne, rien à faire c’est toujours aussi beau!!!!

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