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Le mois de mai est une période particulière sur les plages de Guyanne… La nature me permettra d’être le témoin privilégié d’un évènement extraordinaire…

Sur les coups de 4 heures du matin, je chausse mes runnings, empoigne une bouteille d’eau, et je file sur la plage. C’est marée haute ; les vagues viennent cogner contre l’accotement de sable que l’eau a charrié et élevé.

Se baigner la nuit est déjà assez angoissant, mais quand on croise des bestiaux de 600kg, c’est encore pire…

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Bon, pas d’inquiétude, la bête ne mord pas,

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et elle est là pour tout autre chose…

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C’est une tortue luth, et un instinct irrésistible la pousse à sortir de l’eau, son milieu naturel, pour venir se hisser sur la terre ferme.

Il faut bien imaginer l’effort qu’elle fournit. Ce monstre d’en moyenne 600kg et 1m80 de long, dont certains pèsent 950kg, est la plus grosse des tortues. Dans l’eau, elle ne pèse rien, elle vole, virevolte comme un oiseau.

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Sur terre, c’est une autre histoire, il lui faut hisser sa carcasse dans le sable qui s’enfonce sous son poids, et elle a beau battre des nageoires comme des ailes, elle progresse de quelques centimètres avant de devoir se reposer, hors d’haleine.

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La tortue luth est le dernier représentant de sa famille, dont toutes les autres espèces ont disparu depuis l’ère tertiaire. Elle est complètement différente des autres tortues, notamment de celles qu’on connait dans nos contrées : elle n’a pas de carapace.

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En fait si, bien sûr, elle en a une, mais ce n’est pas une carapace faite d’écailles de kératine, comme les autres, et elle n’est pas attachée à la colonne vertébrale ni aux côtes. Il s’agit de petits osselets dans une couche adipeuse de cuir épais, dont certains sont disposés en ligne que l’on appelle des carènes, comme sur les bateaux.

Sa peau est douce au toucher, c’est normal c’est de la chair ! Du cuir… d’ailleurs en anglais on l’appelle tortue dos de cuir.

Ambiance :

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Alors que vient-elle faire hors de l’océan, tel un pachyderme cul de jatte ? Elle prend soin de sa descendance…

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En effet c’est période de ponte pour les tortues. Toutes les deux semaines, pendant environ trois mois, elles se hissent sur la plage et viennent enfouir leurs oeufs. Il faut la voir balayer le sable pendant une éternité, quatre ou cinq puissants mouvements de nageoires puis se reposer, soufflant, quelques secondes…

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Puis, avec ses pattes arrières, elle creuse un trou de près d’un mètre de profondeur, et y pond ses oeufs (ce qui dure près d’une demi-heure) !

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Ensuite, elle rebouche le trou, puis tourne plusieurs fois sur elle-même pour effacer plus ou moins ses traces.

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Et il est temps de repartir ! Cela fait déjà deux heures qu’elle est sortie de l’eau, et le soleil se lève déjà, l’exposant aux prédateurs. Et surtout, il ne faut pas rater la marée…

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Bye bye petite tortue…

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Elle retourne dans son océan, parmi les siens, se reposer de ses efforts et se nourrir entre autres de méduses, dont elle peut avaler son propre poids (mais aussi d’algues, de poissons et de crustacés). Pour les trouver, elle peut retenir son souffle pendant près d’une heure et demi, et plonger à plus d’un kilomètre de profondeur, là où la lumière ne parvient plus, et où la pression est titanesque, plus de 100 fois plus forte qu’en surface ! D’ailleurs, la bouche de la tortue luth est tapissée de cones, qui servent pour l’alimentation, mais on pense aussi qu’ils absorbent l’oxygène de l’eau pour lui permettre de rester plus longtemps sous l’eau…

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Voilà. La plage est vide. Ma tortue a disparu. Elle ne reviendra que dans une quinzaine de jours : la tortue luth est pélagique, elle ne sort de l’eau que pour pondre. Il ne reste qu’environ 100 000 représentants de son espèce sur Terre.

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Je poursuis mon chemin le long de la plage, encore ému par cette rencontre extraordinaire…

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Je me dis qu’il me faudra revenir d’ici quelques semaines (il faut deux mois d’incubation) pour assister à la naissance des centaines de bébés tortues qui se rueront vers la mer…

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Je croiserai en tout une bonne quinzaine de tortues, saisies par le soleil levant, se hâtant de pondre et d’effacer leurs traces pour ne pas rater la marée…

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Puis j’arriverai au bout des longues plages guyanaises…

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Du coup, je m’enfonce dans la jungle, prémices de l’Amazonie…

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La chaleur devient bientôt insupportable, et la moiteur encore plus… Traverser les bayous me fait du bien, me méfiant toutefois des caïmans qui rodent…

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Arrivé sur une éminence, (au bout de trois heures de progression), j’entrevois les plages parcourues ce matin… cet endroit presque secret…

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…là où nichent les tortues luth…

 

Never Hesitate - Never Regret

Comments:

  • 11 mai 2016

    Un sacré cadeau que t’as offert Dame Nature

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  • cristelle

    11 mai 2016

    Merveilleux, un plaisir pour les yeux… Tu ne les as pas trop dérangées ? elles n’ont pas peurs ?

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  • 12 mai 2016

    Le pb de rencontrer des Tortues Luth c’est que ça fait baisser la moyenne
    Merci pour ce nouveau runtheplanet!

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  • christine

    13 mai 2016

    Magnifique reportage très instructif et superbes photos. Quelle chance tu as, de pouvoir vivre tout çà. Vraiment merci de partager tous ces moments privilégiés.
    Tu es un sacré reporter…
    Christine.

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  • 17 mai 2016

    Belle rencontre et pouvoir la partager, c’est super. Tout n’est pas encore pourri

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