J’avais encore dans la tête ma balade de l’hiver dernier à Huashan, en Chine… les souvenirs ne cessaient de se bousculer…
Alors j’ai décidé d’y retourner !
Paris – avion – Canton – avion – Xi’an – train – Huashan.
Quelques marches d’escalier à gravir, histoire de se mettre en jambes,
et on retrouve l’escalier-chelle où j’avais terminé mon récit de l’hiver dernier…
Alors évidemment, faut y aller… ça monte sec.
Je m’aperçois que je suis suivi. L’hiver dernier je n’avais rencontré personne, glace oblige, mais au printemps les foules reviennent avec les fleurs. N’oublions pas que la montagne est sacrée, et que tout le monde tente sa chance pour boucler son pèlerinage (mais tous n’y parviennent pas).
Sur le versant d’en face, j’aperçois une via ferrata désaffectée, ou bien qui n’a jamais été terminée… je me demande d’ailleurs où diable elle peut mener.
Vers le sommet en tout cas… peut-être y a-t-il là-haut un monastère oublié, une grotte sacrée, que seuls les initiés ou grimpeurs intrépides connaissent ?
Je continue mon ascension le long des marches verticales taillées dans la roche par les moines il y a des centaines d’années.
Vous remarquerez ces rubans rouges accrochés à leur cadenas… il y en a partout, même dans les arbres. Les Chinois y gravent leur nom et espèrent que leur vie ou leur amour durera autant que le cadenas…
Certains passages sont littéralement submergés de ces garanties d’amour éternel.
Mais au final, quand on passe derrière la scène, on se rend compte que la réalité est tout autre : on récupère les vieux cadenas, et on refond le tout pour en fabriquer de nouveaux… bon après tout, ce n’est rien d’autre que le cycle de la vie !
J’arrive aux premiers monastères, près de North Peak. Je retrouve mon ambiance chinoise.
Mais l’ascension n’est pas terminée, il faut encore franchir la Crête du Dragon vers Central Peak, et il y a encore beaucoup de marches… Le sommet est encore loin ! Et oui il va falloir monter tout là-haut…
Et la pente s’accentuant, l’escalier devient échelle,
et les marches de simples trous.
Ça se termine carrément en escalade d’ailleurs !
Et enfin, après plus de 1000m d’ascension quasi verticale j’arrive en haut de la montagne !
On croirait être au bout du chemin, mais pas encore. De là-haut on aperçoit un bout de sentier qui continue sur une crête :
Où va-t-il donc ? Mais oui, je reconnais le Playing Chess Pavillon, que j’avais vu sous la neige la dernière fois…
Ni une ni deux , j’y vais !
Et bien sûr, je ne résiste pas à une petite partie d’échecs. Bon d’une part, je manque cruellement d’adversaire (il y a plus guère de pèlerins de nos jours, et de manière générale peu de promeneurs loin des chemins et des arrivées de téléphérique…)
Et d’autre part, ce n’est même pas un échiquier…
Enfin si bien sûr, mais pas celui que nous connaissons en Europe. Ici ce sont les échecs chinois, le Xiang Qi. On ne sait pas trop situer l’origine du jeu d’échecs, ni dans le temps ni dans l’espace, et on ne saurait dire quel est l’ancêtre de tous les jeux d’échecs (persans, indiens, arabes, mongols, birmans, thaïs ou cambodgiens, malais, chinois, vietnamiens, coréens, japonais et j’en oublie…)
Bref, après m’être rafraichi dans un lavabo millénaire,
je me mets à la recherche d’un coin où dormir car le soleil descend vite dans le secteur.
Tiens, cette petite via ferrata ne mène-t-elle pas à une grotte ? Là, juste sous l’arcade sourcilière de ce géant de pierre…
J’y grimpe avec précaution et m’y installe. La chute ne pardonne pas par ici.
J’y suis un peu à l’étroit, quand même.
Mais la vue est belle… Tiens, d’ailleurs demain matin j’essaierai d’aller rejoindre ce kiosque oublié sur la montagne d’en face…
Mais au bout d’un moment, à ne même plus pouvoir me retourner, je préfère quitter l’endroit pour monter au sommet de South Peak et admirer le coucher de soleil…
L’atmosphère n’est plus la même qu’en décembre dernier !
Autour de moi, les banderolles s’agitent en tous sens : le vent se lève violemment, annonce d’une tempête.
Le soleil descend derrière la montagne, dans la plus pure tradition chinoise…
Et voici mon Playing Chess Pavilion, dernière vision avant la nuit de cette Chine ancienne que j’apprécie tant.
La tempête s’installant, je préfère le refuge à la belle étoile, et bien m’en a pris car des bourrasques de vent se sont déchaînées toute la nuit…
Au petit matin, les rafales se sont calmées. Il est temps de rendre visite au petit kiosque repéré la veille. Devant moi, East Peak. Sur son flanc opposé, de l’autre côté, la petite grotte où j’ai pensé un moment passer la nuit…
En passant, je reconnais le temple Baïdi, qui cette fois est ouvert.
Plutôt coloré, non ? Je trouve que ça nous change des temples cévenols…
Allez je reprends mon chemin, contournant avec précaution un arbre enflammé de soleil.
Voici donc le petit kiosque, qui est tellement peu (jamais) visité qu’il tombe en décrépitude.
Au bord de la falaise, des baignoires naturelles (dont certaines sont aménagées par l’homme, histoire de constituer des réserves d’eau)
On n’est pas bien, là ?
(j’ai couru, je n’avais que 12 secondes de retardateur… faut juste pas glisser sinon la photo fait le tour du web…)
Puis, en regardant au bas de la falaise, j’aperçois la petite grotte que je n’avais pu visiter l’hiver dernier à cause de la neige…
Et si j’allais lui rendre visite ?
Une petite désescalade un peu compliquée et je prends pied sur la plate-forme 50 mètres en contrebas.
En face de moi, la grotte sacrée.
La grotte a été transformée en sanctuaire taoïste.
Même le plafond est sculpté !
À l’extérieur, le petit lavabo pour faire ses ablutions, avec des consolidations à la chinoise
En fait, à Huashan, il y a plein de grottes. Environ 70. Comme celle-ci,
Ou encore celle-ci, qui est probablement la chambre nuptiale la plus ancienne du monde !
Pour quitter la plate-forme isolée entre ciel et terre, je suis un petit chemin qui part vers la paroi rocheuse.
Le départ est plutôt facile, hein… bon très rapidement on se retrouve à flanc de falaise ; si n’étaient ces marches dans la roche, il serait impossible de passer…
En contrebas, on aperçoit la suite : une petite passerelle de planches fixées on ne sait trop comment, dont le bois commence à se détériorer.
Je rejoins le balcon de fortune.
(C’est impressionnant mais je précise, pour ma famille, que je ne suis pas totalement inconscient il y a des câbles pour s’arrimer et j’ai mon harnais hein…)
Je souligne qu’un bon kilomètre vertical nous sépare du plancher des vaches…
Devant moi, soudain le chemin s’arrête, au bord du vide…
Sommes-nous arrivés ? Qu’y a-t-il au-delà ? La fin du pèlerinage ?
Je pose mon sac et je m’assieds à l’extrémité de la planche, les pieds se balançant dans le vide. Je repense encore à ces moines de jadis qui se balançaient dans le vide à la fin de leur pèlerinage. N’allez pas croire que j’ai des tendances suicidaires ! Mais j’imagine ces pauvres hères à la poursuite de leur croyance sans faille, se jeter à bras ouverts dans l’abîme, leur robe claquant dans le silence, telles des hirondelles fugaces.
Je reste un moment à penser à eux, à scruter le précipice.
Assis au bout du chemin.
Je m’arrache au vide et lève la tête. Mais c’est là qu’est la finalité ! Le dessein de ce promontoire, sa raison d’être.
La destination, le message ultime. C’est le monde devant moi.
Manon
C’était génial,très intéressant et très beau…
mais t’as pas eu peur ? parce que moi, dans le vide à ta place j’aurai eu peur de tomber !! Lol
<3<3<3
jphi
Merci Manon… même po peur…
nouvel30
C’est magique presque irréel ! Quel courage !
jphi
T’as raison c’est magique ! On a juste l’impression de remonter le temps, ou d’être dans un film !
Tat
Fantastique de beauté et de courage :qui sont les plus courageux: les moines qui ont creusé les marches
Et ensuite se sont envolés ou le randonneur qui nous fait coucou du haut de son rocher surplombant l’abîme? Comme dit Manon : « lol »
jphi
C’est vrai qu’avec un harnais et des câbles pour s’arrimer, le courage est moins nécessaire qu’à l’époque… d’ailleurs je me demande comment ils ont fait…
beaumes
Merci j phi de nous faire partager !!! Bravo
jphi
Merci !
Phil
Bravo J Phi !!! et pour méditer un peu plus : « Le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir », Confucius.
jphi
Ça ne m’étonne pas de toi, Phil… derrière toi j’entends la descendeuse qui corrige : « …dans la façon de la descendre !!!! »
trailman2
Encore une face cachée de la Chine, dont pratiquement personne n’entend parler. On est loin des clichés usuels. C’est rafraîchissant et superbe, bien qu’un peu « flippant » parfois. Super intéressant. Merci pour ces découvertes partagées.
jphi
Merci pour le compliment ! Plus qu’à trouver d’autres endroits maintenant…
Gaby
Encore un article monumental!
Merci!
jphi
Merci !!!