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La Cordillère des Andes… un endroit qui fait rêver, qui enflamme l’imaginaire… La plus grande chaine de montagnes de la planète : 7000 kilomètres de large, 4000m d’altitude en moyenne… Du Venezuela jusqu’à la Terre de Feu. Les Andes, du quechua Anti, désignait initialement les habitants d’une région montagneuse péruvienne, avant de prendre son sens actuel.
Mais trêve de discours, la Cordillère, c’est ça :

 

 

Ce survol en avion, la traversée de la Cordillère sous le nez de l’Aconcagua, plus haut sommet des deux Amériques, a permis de donner un aperçu des paysages dans lesquels j’irai courir le lendemain… (d’autres photos ici)
Arrivé à Santiago sur les coups de 10h du matin, j’aurai à peine la journée pour me remettre du vol : réveil à 23h30. Je dis réveil mais pour cela il aurait fallu dormir… Enfin j’aurai quand même fait une sieste d’une heure et demie.
Le départ a lieu au nord de la ville, au pied des montagnes, dans le quartier de la Dehesa. Il fait nuit noire, la lune se couche, et il doit faire aux alentours de 5°C.
Minuit et demie, il y a déjà du monde. La course est organisée par The North Face, ça se voit, la marque est omniprésente et il y a des moyens conséquents. L’épreuve fait partie du North Face Endurance Challenge et regroupe un beau plateau de compétiteurs rassemblant plusieurs nations : Chili, Argentine, France, Etats-Unis, Colombie, Venezuela, Royaume-Uni… Sébastien Chaigneau, de North Face, est favori. Il remportera d’ailleurs l’épreuve en 7h29 main dans la main avec Gustavo Reyes de Patagonia, 3 minutes devant l’américain vainqueur 2009 de la Western States, Hal Koerner (et, accessoirement, 4h30 devant moi…)
Pour l’heure, seulement vêtu d’un pauvre petit short, je me réchauffe devant un brasero salvateur.
Crédit photo tnfchile

 

Puis c’est l’heure du briefing, donné par le directeur technique. Vous avez intérêt à parler espagnol, il n’y a pas de traduction…
Crédit photo tnfchile

 

A 2h du matin, tout le monde se serre sur la ligne de départ.

 

 

Crédit photo tnfchile

Le coup de sifflet est donné. Le peloton de 90 coureurs s’élance doucement dans la nuit.

Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile

L’allure n’est pas très élevée, mais de toutes façons le rythme sera stoppé net 100 mètres plus loin par le directeur technique qui arrête les coureurs, arguant que la voiture-leader s’est trompée et indique une autre direction. Le peloton s’arrête, se retourne, les derniers deviennent les premiers et on repart… pour 30 mètres, car on se heurte à une barrière verrouillée par une chaîne… Court instant de surprise, certains se faufilent à travers les fils de fer barbelé. Mais voilà, les ouvreurs avaient déjà remédié au problème et organisé le détour sur le pouce, alors on rappelle les téméraires : « Cambio, cambio !« . Et on repart dans la direction initiale, les premiers redeviennent les premiers, on revient dans l’ordre des choses.

On s’engage rapidement sur les sentiers de la Pré-Cordillère, je pars doucement pour ne pas réitérer l’erreur de l’année dernière. On part sur une boucle de 25km que j’avais couru en 2009 comme un trail de 25km… me grillant pour la suite…
Tandis qu’on monte continuellement dans une forêt de cactus, je passe mon temps à calmer le jeu et à ralentir le rythme : je progresse calmement jusqu’à 1900m d’altitude, m’alimentant et buvant à profusion pour prévenir les crampes (14h de vol la veille, dans un environnement à 1% d’humidité relative et avec les effets de l’ozone, la déshydratation est profonde).
Puis c’est la descente : 1000m à dévaler dans l’autre sens… A la fin de la boucle, surprise : malgré mes efforts pour me ralentir, je passe beaucoup plus tôt que l’année précédente ! Le circuit était aussi peut-être plus court…
Deuxième surprise, même si je m’y attendais : les crampes sont là. Déjà. Au bout de 25km… Mes quadriceps sont contractés et douloureux. Comme quoi, pour digérer un vol long-courrier, il faut du temps… Ça promet pour la suite, il me reste 55 bornes !!!
Tant pis, je fais avec. On repart sur une ascension. Longue, longue ascension… 30km qui n’en finissent pas… Le soleil se lève alors que je suis quelque part vers Portezuelo, aux alentours de 45km de course.
Le spectacle est toujours saisissant de voir la nature s’extirper doucement de la torpeur de la nuit alors qu’on court depuis des heures…

 

Crédit photo tnfchile
Si on avait un doute, la lumière le lève, on est bien dans les Andes : montagne aride et colorée par les minerais qu’elle renferme, cactus, ne manque que les condors (qui resteront invisibles cette année, peut-être à cause du vent)
On devine un léger trait barrant la montagne : on doit monter jusque là-haut et faire tout le tour du massif.
Crédit photo tnfchile

 

Il y a moins de neige que l’année précédente, mais on longe quelques restes de l’hiver (on est au printemps dans l’hémisphère sud !)
Le soleil est maintenant haut dans le ciel, dévoilant la Pré-Cordillère, et fait monter la température. Nous sommes vers 2200m d’altitude.
Devant nous, l’objectif, en terme de dénivelé : le point haut de la course, El Peñón, 2600m.

Pour y arriver, une côte très raide d’environ 200m… Dur, dur… Tout le monde suffoque sous l’effort. Autour de moi, quelques coureurs (rares) du 80K repérables à leurs dossards rouges, le gros du peloton étant constitué de compétiteurs 50K partis 2h après nous sur le même circuit, sans la boucle de 25km.

 

 

Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile

Je me retourne souvent pour chercher mon copain Fred qui est sur le 50K mais ne le vois pas, et ne le verrai  pas avant l’arrivée. En haut du col, libération. J’observe quelques coureurs inhaler des bouffées d’OXYENERGY.

C’est un aérosol, de l’air enrichi à 90% d’oxygène, fourni par l’organisation au départ. Je n’ai pas cru bon l’emmener avec moi, sceptique sur l’efficacité d’une part, et sur le bien-fondé du procédé d’autre part. A quoi bon s’engager sur une course de montagne si c’est pour emmener des artifices pour pallier aux déficits de son propre organisme ?

 

 

Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile

Sur la photo suivante, c’est moi…

Crédit photo tnfchile

 

Bref, là-haut, je souffle quelques secondes en regardant le paysage pour récupérer. On m’annonce 30ème, exactement comme l’année dernière.
Là aussi on s’aperçoit qu’il y a bien moins de neige que l’année précédente…
2010
2009
C’est la redescente… Normalement, c’est plutôt mon point fort… Mais là, mes quadriceps ne sont pas d’accord. Singulièrement, ceux-ci m’ont relativement laissé tranquille pendant la montée, alors qu’ils étaient beaucoup sollicités, mais là, ils refusent de descendre : chaque pas est un calvaire !
Heureusement j’ai les bâtons et je reporte tout le poids de mon corps sur eux pour limiter le travail musculaire excentrique. J’arrive quand même à trottiner, mais pas à galoper. Dommage.
Crédit photo tnfchile

 

Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile

 

Je cours à peu près au même rythme que les coureurs autour de moi, sans pouvoir foncièrement rattraper du terrain. Je râle car je ne me sens pas vraiment fatigué : seule la douleur musculaire m’empêche d’accélérer. L’année précédente j’avais pu remonter 7 places dans la descente. Là, ça va être un peu plus compliqué…

 

 

Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile

J’attends chaque ravitaillement comme un objectif, une issue. Et il y en a pléthore : près d’un tous les dix kilomètres… (Sur la photo il y a du monde mais en général j’étais seul).

Crédit photo tnfchile

Pendant de temps là, en bas dans la vallée, d’autres épreuves sont parties : le 20K, 10K et 5K. Ça fait du monde sur les sentiers ! Heureusement, nous, tout là-haut, trottinons au-dessus du lot…

Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile
Crédit photo tnfchile

 

Arrivés à la Martina, vaste complexe équestre, je me ravitaille longuement.

 

 

Crédit photo tnfchile

J’ai deux coureurs en ligne de mire que je n’arrive pas à reprendre, et j’ai décidé d’appliquer ma tactique habituelle : bien m’alimenter, rester à mon propre rythme, ils finiront bien par craquer… d’autant que l’on va bientôt arriver dans un endroit terrible, dont j’ai fait les frais l’année dernière : Shangrila.

Shangri-La, c’est un endroit merveilleux et imaginaire, une lamaserie perdue aux confins du Tibet où il fait bon vivre… Shangrila, dans les Andes, est un cauchemar. Au 70è kilomètre, on nous fait passer dans un terrain de motocross. Une succession de coups de cul, des pentes à 40% où on dérape sans cesse… Devant moi, j’avise l’un des coureurs que je poursuis et qui a pris du champ car je me suis trompé à un embranchement perdant quelques minutes.
Il a l’air de galérer dans les côtes. J’aurai du mal moi aussi. Je me retourne : c’est un beau terrain pour faire de la moto ou du VTT, mais pas pour y traîner ses runnings (enfin à l’entraînement peut-être, mais après 70 bornes…)
Je continue clopin-clopant sous le regard des locaux :
Je rattrape le premier coureur et le dépasse, il est au bout du rouleau. J’ai dans ma ligne de mire le deuxième. Il se retourne et me voit, prenant la poudre d’escampette. Je me lance à sa poursuite à toute allure, c’est-à-dire en clopinant. Je boitille, il claudique. Je me traîne, il rampe. Un attelage d’estropiés c’est à mourir de rire…

Puis je récolte les fruits de ma tactique d’alimentation : les forces reviennent d’un coup, avec l’aide du mental car on se rapproche de l’arrivée, et je peux subitement accélérer jusqu’à 12km/h (les mystères du corps !). Je rattrape ma cible d’un seul coup, et maintenant ce rythme jusqu’à l’arrivée je ramasse même un troisième coureur, pour une 27ème place au classement général. Je passe enfin la ligne d’arrivée, et on vient me passer la médaille de finisher autour du cou…

 

 

Crédit photo tnfchile

 

Je retrouve mon pote Fred arrivé 20min plus tôt, et on profite d’un massage bienfaiteur !!!
Crédit photo tnfchile

 

12h00 de course, soit 1h de mieux que l’année dernière… Je suis content, mais me suis fait la promesse de ne plus jamais enchaîner un vol long-courrier et un ultra sans une récupération minimum : c’est-à-dire avoir au moins le temps de prendre une douche…  :)

Never Hesitate - Never Regret

Comments:

  • Anonymous

    19 octobre 2010

    Super commentaire de course !

    cela dit si tu ne crois pas au bien fonder d'un artifice ("pour l’oxygène…")
    Pourquoi en parles tu? on dirait de la pub lol

    Continu en tout cas a te faire plaisir !!

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  • Jphi

    19 octobre 2010

    T'as raison, je voulais mettre une photo du produit mais du coup j'en fais la promo…

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  • phil

    20 octobre 2010

    Bravo Jphi une belle course et de belles photos ! dans nos Cévennes c'est aussi la saison des châtaignes , mais ils ont quand même de très gros pélous dans ce pays !!!!!

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  • Jacky

    20 octobre 2010

    Bravo JPhi, belle performance dans un bel endroit. L'info sur le petit aérosol est intéressante. Maintenant, gravir l'Everest avec ou sans oxygène,n c'est un autre débat. Bonne continuation.

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  • mpie

    20 octobre 2010

    Du VTT dans les Andes…un superbe rêve! Trop top comme terrain de jeu….

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  • M-12

    20 octobre 2010

    Magnifique… Ça donne envie

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  • Cornelia

    27 octobre 2010

    Very nice!!! It is a pleasure to discover you new trail!!!
    Next year come in Romania for EcoMarathon: http://www.ecomarathon.ro!!

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  • Jphi

    28 octobre 2010

    Thanks Cornelia ! Your race in Romania seems promising! I think about that…

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